mardi 24 mars 2009

On a tout essayé














Le titre de cette émission à succès peut décidément s’appliquer à mon parcours professionnel qui, avec les années, devient de plus en plus éclectique. En effet, poussée par « la bise et la famine », je m’apprête à faire un remplacement de professeur de français dans un collège de jésuites de Saragosse. Ceux qui me connaissent vont trouver l’idée complètement surréaliste. Je vous rassure, je n’ai pas pris de drogue, retourné ma veste ou rencontré Dieu dans un moment de désespoir, il s’agit juste d’une courte mission. C’est aussi une manière de mieux combattre l’Ennemi, en apprenant à le connaître et en l’attaquant de l’intérieur. Et puis, j’ai la « bénédiction » de ma mère, farouche défenseuse du l’école laïque et qui m’a élevée, par tradition familiale, dans la méfiance des curés.

Cette brève incursion dans le monde de l’Eglise viendra se ranger aux côtés de mes expériences les plus improbables. Je pense en particulier à ma période de communicante dans le secteur agricole et à ce moment inoubliable où, en robe et taillons aiguilles, je m’enfonçais dans la boue d’un salon « plein champs », sous le regard éberlué de paysans rougeauds. Il y a eu aussi ma carrière interrompue trop tôt de barmaid à Londres, qui m’a permis d’apprendre à lire sur les lèvres de n’importe quel alcoolique et d’acquérir un anglais de l’East End qui surprend toujours les supposés sortis d’Oxford. J’ai failli oublier ce poste particulièrement intéressant de « rentreuse de données », digne d’une séquence des Temps Modernes. Une fois un carton vidé, j’en prenais un autre et recommençais à l’infini quand il n’y avait plus de cartons. Ah ces après-midi interminables, ces heures qui défilent et cette horloge sur le mur…

La Directrice de l’établissement souhaite me rencontrer dans les prochains jours et j’ai préparé un argumentaire inattaquable, en particulier en ce qui concerne mes objectifs dans la vie : « je souhaite rencontrer rapidement un gentil homme blanc catholique, me marier à l’Eglise, lui faire plein d’enfants sans utiliser de contraceptifs, en profitant du peu de temps qui me reste pour procréer. J’arrêterai aussi de travailler pour me consacrer pleinement à ma famille et à l’éducation de mes enfants. Les enfants, bien sûr, iront dans une institution religieuse, pour ne pas être pervertis par des idées impures. » Je peaufine encore pour être vraiment dans la peau de la fanatique. Si j’en fait trop ou si cela ne sonne pas tout à fait juste, n’hésitez pas à me le dire.

Je vais enfin pouvoir vérifier la véracité de certaines pratiques d’enseignement, dans ces « maisons du Seigneur ». Un de mes anciens collègues, O, m’avait en particulier parlé du film anti-avortement qui était régulièrement diffusé dans les cours d’éducation civique. J’ai eu l’occasion de le visionner et c’est presque insoutenable, dans le plus pur style gore. Alien ou Saw à côté, c’est Casimir ou Candie. Aux dernières nouvelles, O avait entamé une procédure pour se faire débaptiser, enfin capable d’affronter ces images atroces. Le système éducatif catholique espagnol a aussi profondément marqué Pedro Almodovar dont les films sont peuplés de personnages hors norme, ayant tous des comportements sexuels déviants : masochistes, voyeurs, nymphomanes, nécrophiles, fétichistes… La vague de folie et de libertinage qui a suivi la fin du franquisme explique ses choix cinématographiques mais il faut aussi chercher du côté de souvenirs d’enfance indélébiles qui lui ont d’ailleurs inspiré un film, La Mauvaise Education. Le pitch se passe de commentaires : « Deux garçons, Ignacio et Enrique, découvrent l'amour, le cinéma et la peur dans une école religieuse au début des années soixante. Le père Manolo, directeur de l'institution et professeur de littérature, est témoin et acteur de ces premières découvertes… ». Mais ne diabolisons pas trop cet univers encore inconnu, avec des idées préconçues.

Je suis certaine que mon passage dans cet institut, même furtif, sera bénéfique pour les élèves. Je pourrai moduler les cours à ma façon et leur donner de précieux conseils en matière d’éducation sexuelle, le tout en français, en parlant notamment de l’importance d’avoir différents partenaires pour avoir des points de comparaison, en les incitant à ne pas écouter les divagations d’un vieux puceau sénile concernant le port du préservatif, en les faisant lire Duras, Sagan, Despentes et bien d’autres. Je deviendrai un peu leur Mr Keating version fille et lorsque je serai renvoyée pour influence subversive, ils monteront tous sur les tables en disant « Capitaine, mon Capitaine ».

Affaire à suivre… J’ai hâte, j’ai hâte.

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