samedi 24 août 2013

La Plage pour tous !













 
 
 
Point de trêve estivale. Les conflits sociaux qui ont rythmé notre quotidien au cours des derniers mois nous poursuivent sur notre lieu de vacances et en particulier à la plage. Alors que vous  pensez goûter une tranquillité bien méritée, mollement allongé sur votre serviette,  les doigts de pied en éventail, restez sur vos gardes car ce sentiment d’apaisement n’est qu’un leurre.  Il est impossible d’échapper aux réalités du monde et les piqûres de rappel sont nombreuses. Le débat politique continue dans le sable.
 
Conscient de ce phénomène, un opposant forcené du mariage pour tous a ainsi survolé il y a quelques jours la station chic de La Baule à bord d’un ULM, tractant une banderole de vingt mètres avec  l’inscription « Hollande Démission ». Pour ce militant, il s’agissait plus d’une opération de fidélisation que de conquête car il prêchait devant un public de convaincus.  Bienvenue chez les Bourges ! Le passage de l’avion n’a pu susciter qu’adhésion et enthousiasme parmi les lézards de droite. Flash mob improvisée et ambiance survoltée. Je vois les caniches et les enfants soulevés en offrandes  vers le ciel pour obtenir le revirement politique tant attendu, les drapeaux tricolores gammés  ressortis pour cet instant providentiel… J’imagine aussi la terreur qui a du s’emparer des rares partisans de François H présents. Les pauvres devaient creuser des terriers pour échapper à cette inquiétante liesse collective. Un ami gay égaré dans le marché de la ville a cru revivre les manifs  anti-mariage. « Il y avait des Christine Boutin partout. J’avais l’impression d’être un juif traqué durant la France de Vichy. »
 
La plage de mon enfance est beaucoup plus populaire.  Une partie de ma famille en est originaire et je me sens comme une enfant du pays. J’ai la chance de pouvoir y aller par tous les temps et en toutes saisons. Quand l’été arrive, il faut apprendre à partager avec les envahisseurs dont la survie dépend de l’appropriation illusoire d’un lopin de sable ou d’un morceau de de soleil. Je suis de gauche, donc proche du peuple même avide de bonheur bon marché, je fais corps avec le prolétariat en claquettes et torse poil, je supporte les bruits de raquettes et de vendeurs de chichis, je brandis l’étendard Pernod Ricard. Mais parfois c’est dur de ne pas trahir ses idéaux ! Ma capacité d’acceptation est mise à rude épreuve surtout quand vient le pic de fréquentation du mois d’août. Ça débarque de partout et ça veut consommer sans mesure. Courage fuyons !
 
Le seul aspect intéressant est que la plage devient alors un immense terrain d’observation. Chaussée de lunettes de camouflage, j’épie mes voisins à leur insu. J’ai été à bonne école car ma mère, sous un faux air tranquille de dame bienveillante férue de sudokus, ne perd pas une miette du spectacle et peut constituer en quelques heures des fiches détaillées sur chacun des estivants présents dans son champ visuel. Une vraie détective de plage. Avec elle, on sait tout de leur origine géographique, de la composition de leur famille, de leurs  pratiques sexuelles et de leurs éventuels problèmes conjugaux. C’est mieux que la télé, un vrai feuilleton.
 
Lentement mais sûrement je suis ses traces. Je remarque notamment ce sympathique barbu et sa femme intégralement voilée qui, à l’ombre d’un parasol, regardent jouer leurs charmantes petites filles. Les enfants communiquent spontanément sans prendre conscience de possibles différences ou  d’incompatibilités fondamentales et je glousse intérieurement en voyant ces mêmes petites filles s’amuser avec les petits-enfants de retraités au fort accent pied-noir et avec une tribu de mini-blonds de l’Est voués au cruel destin « Bière-Saucisse » comme en témoigne la ceinture abdominale de leurs parents. Tandis que les enfants rient innocemment, une tension très fortement palpable s’installe entre les familles piégées dans une coexistence improbable. Je songe  alors à me proposer comme médiateur de plage et organiser un grand débat sur le thème de la compatibilité entre  l’Islam et de la République. J’hésite encore à me lancer n’étant pas sûre de la réceptivité du public par rapport à cette approche novatrice. Qu’en pensez-vous ? No pasaran !