lundi 16 novembre 2009

Good Bye, Lenin !



















Depuis quelques jours, tous les regards sont braqués vers Berlin. Il y a 20 ans tombait le mur de la honte et le rideau de brume qui avait scindé le monde en deux se levait enfin. A la question, que faisiez-vous un certain 9 novembre 1989, notre empereur Nicolas Ier s’est empressé de répondre : « J’étais à Berlin en train d’arracher les pierres du mur à mains nues ». Afin de prouver sa contribution significative à cet évènement historique, les chaînes de télé ont diffusé en boucle des soi-disant images d’archives où l’on pouvait voir notre icône nationale plus jeune et plus chevelue, entourée de quelques-uns des sinistres sbires qui nous gouvernent actuellement, donnant des petits coups de burin et osant quelques tags provocateurs et porteurs de messages politiques mystérieux du type : « Nicolas+Cécilia=amour éternel sans divorce ». La suite de l’histoire aura prouvé qu’amour ne rime pas avec toujours, même si notre omni-président semble vivre une passion sans nuage avec l’Histoire, la Grande, la Vraie.

En effet, sans vouloir saluer une fois de plus l’étendue de ses supers pouvoirs, il faut reconnaître que Nicolas Ier a des talents de visionnaire puisqu’il a senti depuis Paris et avant tout le monde le mur se lézarder et a accouru afin d’être vu au bon endroit et au bon moment. Quel caméléon et quel sens du style aussi car il avait pris soin de revêtir pour l’occasion la petite veste vert moutarde qui allait bien, symbole d’une population condamnée à l’austérité et au port des couleurs ternes. De la même façon, il a été enfant sorti des eaux après le naufrage du Titanic, nègre pour les émissions de De Gaulle sur Radio Londres (« les carottes sont cuites », c’était de lui), comité d’accueil en apnée lors du premier pas de l’homme sur la lune, casseur d’étudiants en mai 68 (Oups, un faux pas dans ce parcours héroïque ? ), pompier malgré lui dans les Twin Towers infernales…. Oui mais voilà, des journalistes courageux ayant pour une fois réussi à déjouer les pièges de la censure imposée par l’appareil étatique ont révélé que le film avait été réalisé avec trucage et que, à ladite date, Nicolas Ier vaquait à des occupations beaucoup moins glamours et médiatiques. Pourquoi ce besoin de tirer la couverture ou plutôt le rideau de fer à lui ? Il est vrai que tuer le cochon à la fête locale de Pissenavache, organisée en son honneur par des supporters de la première heure a une portée moins universelle. Qu’il se rassure, il se trouve aujourd’hui en France au pied de tellement de murs, qu’il n’aura même pas le temps de rougir de ce mensonge d’écolier.

Puisque tout le monde se préoccupe de savoir où il se trouvait ce fameux jour, je me suis également prêtée au jeu. Opération difficile car je venais d’entrer en seconde (avec un certain nombre d’années d’avance tout de même. Non, vous ne connaîtrez pas mon âge réel ni avoué !), et à cette époque les journées passaient et se ressemblaient dans cette prison que formait les quatre murs de la salle de cours. Telle une habitante de RDA, je nourrissais des projets d’évasion et creusais des tunnels imaginaires. Point de souvenir particulier de cette « journée particulière » donc.

Depuis, j’ai abattu les murs et parcours le monde à ma guise et au gré de mes envies. Coïncidence ou effet mouton de Panurge, je me rendrai prochainement à Berlin, ville qui semble être l’actuelle détentrice de ce qui reste du souffle créatif européen. Et puis, quitte à aller au bout de la dépression hivernale, autant se rendre dans un lieu froid et mélancolique.

Le motif du voyage n’est pourtant ni culturel ni politique mais purement romantique. Il s’agit de retrouver la trace d’Otto S qui fut le correspondant allemand de mon amie Irène en 4ème et dont le souvenir, à l’inverse des ruines du mur, est resté intact dans son coeur. En pleine séance d’hypnose destinée à mettre un terme définitif à son addiction à la cigarette, Irène a prononcé son nom à maintes remises et depuis elle ne dort plus, ne s’alimente plus et fume plus que de raison. Otto S reste à tout jamais son Schatzi, sa petite Wurst chaude, son verre de Schnaptz bien frappé.

Inquiète de la voir si malheureuse, j’ai réuni notre comité de soutien aux jeunes femmes en détresse et nous avons décidé de l’inscrire au « Perdu de Vue » allemand pour pousser un peu le destin et favoriser leur « réunification ». Irène passera donc en direct sur la ZDF, le soir du 31 décembre. Il y a cependant un léger problème car, hypnotisés par le charme dévastateur d’Irène à partir d’une simple photo, plusieurs Otto S se sont présentés aux organisateurs de l’émission. « Ô belle Ireneï, aux yeux pleins de pierreries, de quel magicien tiens-tu ta sorcellerie…», récitent-ils en chœur, se languissant de son absence. Irène saura t’elle démasquer les mystificateurs et reconnaître parmi un groupe de quadragénaires chauves et bedonnants celui qui fut un bel éphèbe blond et longiligne ? Comme c’est la coutume, l’émission se terminera par un concours de descente de bières entre les finalistes. Irène, redescendue de son piédestal, a émis le souhait d’y participer. Que le meilleur gagne !