mercredi 9 novembre 2011

Bref. J'ai fait de la Zumba.





















Quelqu’un m’a demandé l’autre jour : « Mais au fait c’est quoi la Zumba ? ». Je précise qu’il s’agissait d’un homme que j’appellerais Lionel, d’où sa compréhensible méconnaissance de ce phénomène actuel qui provoque des élans d’hystérie collective parmi la gent féminine, toutes générations et catégories sociales confondues. Mon interlocuteur ne pouvait pas mieux tomber car, sans le savoir, il allait bénéficier de mon expertise acquise par des années de pratique des clubs de fitness à travers le monde. Sur un ton monocorde, je lui ai récité par cœur la définition Wikipédia : « La Zumba est une discipline née de la fusion de différentes formes de danses latines à savoir la cumbia, la salsa, le mambo, le merengue et le reggaeton ; le tout, pimenté de mouvements d’aérobic et de fitness. » Je lui ai exposé ensuite mon avis plus personnel sur le sujet, à savoir qu’il n’y avait rien de révolutionnaire dans cette activité qui s’était longtemps appelée aerodanse et qui n’avait de danse que le nom car les pas étaient beaufisés et simplifiés à l’extrême, et que les salles de sport françaises capitalisaient au maximum sur cette mode en proposant la Zumba à toutes les sauces sans craindre de provoquer une overdose générale. Lionel m’écoutait captivé. Je décidais donc de lui dresser un tour d’horizon rapide de l’histoire du fitness, des origines à nos jours. Je lui parlais de l’âge d’or des « stakhanovistes » de la forme avec l’apparition de l’aerobic aux Etats-Unis mis en scène par la grande prêtresse en jambières, Jane Fonda, et ses disciples françaises, Véronique et Davina qui terminaient toujours leur show télé par l’incontournable et mythique séquence d’elles nues sous la douche. Cela a réveillé des souvenirs chez Lionel, sans doute ses premiers émois d’adolescent, et il s’est mis à fredonner, une lueur lubrique dans le regard : « toutouyoutoutoutouyoutou ». Je poursuivais en expliquant que, loin d’avoir suscité un engouement passager, ce qui s’appelait désormais le fitness avait envahi notre quotidien, proposant des déclinaisons improbables (sur une marche : le step, dans l’eau : l’aquagym, à vélo : le spinning), inventant de curieux hybrides (aerobox, aerothai, aerolatino), revenant à des méthodes plus douces comme le pilates pour réparer les corps traumatisés avant de proclamer le triomphe du mouvement Zumba, célébré comme étant le dernier rempart contre le gras. Devinant en Lionel une âme compatissante, je lui confiais ma longue addiction à ces pratiques et mon récent décrochage grâce à un retour salvateur et volontaire à des disciplines outdoor et plus créatives.

Pourtant j’ai dérapé récemment en testant à mon tour la Zumba mais, pour ma défense, l’objectif principal était de peaufiner mon étude de la quête du bien être et de la forme à tout prix. Je m’étais donc inscrite à une sortie initiée par une certaine Libellule sur un réseau social. A l’heure du rendez-vous, une foule hétéroclite se pressait devant la porte du centre sportif : quelques étudiantes, une meute de couguars bien décidées à lutter avec acharnement contre les kilos superflus et les ravages du temps, une mamie bionique, deux hommes en short mal à l’aise qui rasaient les murs et enfin la famille Groseille au grand complet avec en chef de tribu, la mère, gaillarde et décomplexée. Libellule alias Josiane a fait son apparition. Comment dire ? Je ne l’aurais pas associée spontanément à une créature légère et aérienne. J’aurais plutôt pensé à quelque chose de plus terrien, « solidement » ancré au sol. Libellule aussi partait en guerre et arborait fièrement une combinaison rouge ultra-moulante qui portait l’inscription « 100% Zumba ». Elle m’a regardée. Je l’ai regardée. Elle a dit : « Maya ? ». J’ai dit : « Vous êtes la coach ? ». Elle a dit : « Non, elle est en retard. ». J’ai pensé : « Ouf ! ». L’attente fut effectivement assez longue. La Mère Groseille fuma beaucoup de cigarettes et improvisa une partie de foot en famille, en plein milieu de la rue. Je tuais le temps en refaisant le monde avec Cœur à prendre, Casimir118218 et Clito 31.

Le cours débuta enfin et même dans mes rêves les plus fous, je n’aurais pu espérer mieux. L’atmosphère était digne d’une soirée tee-shirt mouillé dans un camping de Palavas les Flots, le tout sous le feu des sunlights et dans le tournoiement enivrant des serviettes. On a fait la danse de la capirhina, hurlé à tue tête : « Me gusta la morcilla » (traduction : « J’aime le boudin ou y a-t-il des hispanophones dans la salle ? ») et secoué nos postérieurs telles des chiennes en chaleur. Libellule, en transe, exécutait une forme de danse folklorique bretonne et martelait violemment le plancher, les hommes en short gesticulaient dans le sens inverse de la marche et la Mère Groseille haletait dans un coin, regrettant la bouffée de trop. Pauvre Amérique Latine ! C’était bien la peine d’avoir tenté plusieurs révolutions, endurer des années de dictatures sanglantes, résister tant bien que mal à l’impérialisme nord-américain, préserver envers et contre tous une langue et une culture pour finir en produit de consommation mal remixé spécialement destiné à des occidentaux ignorants et grassouillets. Hasta siempre Comandante ! Bref. J’ai fait de la Zumba.

mardi 10 mai 2011

Captive




















Karl Marx a écrit : « Le domaine de la liberté commence là où s'arrête le travail déterminé par la nécessité. » et ce au 19ème siècle, soit bien avant l’invention de l’entreprise moderne avec tous ses rites absurdes et ses relations biaisées. Je cherche refuge dans l’œuvre du théoricien de la lutte des classes au cours d’une après-midi interminable durant la semaine annuelle de formation à la ruche, le siège de ma société, pour ne pas sombrer dans le désarroi total. Marx a aussi entrevu un possible échappatoire au goulag professionnel : « L’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. » Ragaillardie par cette perspective, je regarde autour de moi le reste de l’assemblée, espérant que mes camarades abeilles m’insuffleront la force de résister et de combattre. Peine perdue et spectacle affligeant. Certaines dorment, d’autres ont le regard fixe et vide comme dans le film Children of the Corn et une dernière enfin pianote frénétiquement sur son iPhone, tentant désespérément de rester connectée au monde extérieur ou d’appeler à l’aide. Le processus de lavage de cerveau collectif est en marche.

L’homme occidental s’est depuis longtemps détourné de la religion et du politique et son rapport au monde est désormais dicté par la Déesse Entreprise, parcours initiatique rimant avec plan de progression individuelle et augmentation de salaire. En Tunisie, un jeune vendeur de légumes s’est immolé pour protester contre le manque de liberté dans son pays ; en France, un cadre de France Telecom, en souffrance au travail, s’est transformé lui aussi en torche humaine sur le parking de son agence. Le premier des ces deux gestes terribles a déclenché la « Révolution du Jasmin » et l’ébranlement les unes après les autres des dictatures des pays arabes ; concernant le deuxième, on ne peut encore en mesurer l’impact, peut être un talk show d’après-midi sur les risques de burn out…

Je suis interrompue dans mes réflexions par l’entrée en scène des coachs en développement personnel. Ce sont les mêmes que l’année dernière : Cruella, une ogresse taillée comme un pilier de rugby et son acolyte malgré lui, Woody, un comédien de seconde zone reconverti dans le théâtre d’entreprise qui semble tout freluquet à côté de sa coéquipière. Ils ont pour mission, à travers quelques exercices et jeux de rôle pervers, de vérifier notre niveau d’endoctrinement. Chacune des stagiaires est ainsi filmée dans un pseudo contexte professionnel et doit improviser un sketch en duo avec Woody, le tout dans une ambiance récréative et décontractée. La réalité est toute autre. Tout le monde n’aime pas être sous les feux des projecteurs. L’œil inquisiteur de la caméra dérange. Les nerfs lâchent, les émotions enfouies rejaillissent. « Coupez. C’est comme quand j’étais petite, j’avais toujours le trac avant les interrogations écrites », pleurniche une femme presque quinquagénaire. « Je suis une mauvaise mère. », hurle une autre. Heureusement, Cruella est là pour apporter un réel appui psychologique : « Vas-y pleure. Parle-nous. Libère-toi. Tu peux tout nous dire, tu es en famille ici. »

J’essaie tant bien que mal de transcender cette réalité aliénante. Je me projette des images apaisantes comme le décollage d’un avion ou le flux et le reflux des vagues. Un aboiement agressif vient interrompre ce doux songe : « Ca suffit de rêvasser là. En piste. » Cruella m’a repérée. L’heure de la joute verbale pour moi a sonné. Je me dirige vers la scène, respirant à fond. J’applique la méthode Actors Studio, une technique qui laisse une grande part au naturel et à la gestuelle psychologique. Je suis Liz T et Woody Richard B, deux fauves trop longtemps gardés en cage et qui s’apprêtent à se dévorer. Rrrhhh !!! Je dois redoubler d’efforts d’imagination car mon partenaire n’a pas exactement le physique d’un jeune premier. J’entre totalement dans la peau du personnage alliant habilement voix suave, bouche en cœur, battement de cils et langoureux croisement et décroisement de jambes. Chaleur dans le costume pour le petit monsieur en face. A la fin de la prise, le public est debout. Bravo !!!! On me sacre Interprète Féminine de l’Année, dans la catégorie Porno Institutionnel. Modeste, je dis : « Cela n’avait rien de difficile car ce poste, c’est moi. » et dédie mon prix à toutes les femmes qui se battent pour la parité professionnelle. Après tout, j’ai peut être un réel avenir dans la comédie ou dans la politique. No pasaran.

Pour clôturer cette semaine passionnante, nous récitons toutes en chœur, à tous les temps de l’indicatif et même en latin : « J’appartiens à mon entreprise. Je vénère ma hiérarchie. Ensemble nous vaincrons ». Je garde les doigts croiser dans le dos, en me disant qu’ainsi ils ne m’auront pas. Vivement l’année prochaine !

jeudi 31 mars 2011

La revanche d'une blonde














Ne vous méprenez pas sur le titre ; cette chronique n’est pas destinée à mettre à l’honneur ma modeste personne dotée d’une chevelure châtain clair au léger balayage mais elle parle d’une blonde, une vraie, dont nous célébrons en ce 31 mars 2011 l’entrée dans le cercle fermé des porteurs du chiffre 4. Bon anniversaire Coco ! Tu es la première de notre petit groupe d’adolescents attardés à vivre cette terrible épreuve et nous t’observons avec appréhension et effroi glisser dans les eaux troubles de la quarantaine. Que se passe t’il de l’autre côté ? Est-ce que l’on subit des transformations physiques et psychologiques immédiates et irréversibles : blanchissement soudain des cheveux, chute des dents, affaissement des paupières, prise de bide définitive, goût immodéré pour les tubes commerciaux des années 80… ? Tu sembles pourtant bien résister aux ravages du temps, toute auréolée de blond et préservée des coups de scalpel pseudo-réparateurs.

Comme il semble loin et irréel cet automne 1997 où nos chemins se croisaient pour la première fois dans le métro londonien. Toi aussi tu avais été tenté par l’appel de Londres et travaillais alors comme jeune fille au pair, même si jeune fille tu ne l’étais plus tout à fait. Cantonnée à des tâches ménagères bien peu passionnantes et honteusement exploitée par ta « famille d’accueil », tu avais vite pris la poudre d’escampette, persuadée qu’un destin plus grand t’attendait ailleurs. Sur mes conseils, tu entamas une carrière prometteuse dans la restauration, secteur dans lequel l’exploitation de l’homme par l’homme est aussi quotidienne mais cela tu ne le savais pas encore. A la fin des années 90, les médias français saluaient unanimement le miracle londonien et nombreux étaient les jeunes français qui franchissaient la Manche persuadés de trouver un job de rêve en quelques heures. La réalité était toute autre. La plupart de ces ambitieux aventuriers se retrouvaient à trimer très dur dans des hôtels ou des cafés pour quelques poignées de livres qui leur permettaient à peine de subsister. Même si à cet âge, la principale préoccupation est de savoir où sortir le soir, Londres faisait l’effet d’un miroir aux alouettes.

Heureusement notre glamour nous a permis de nous positionner rapidement comme soubrettes vips. Souviens-toi chère amie de cette petite jupe noire si seyante qui devait arriver pile au niveau du genou et que nous portions crânement sur des plateaux télé ou des péniches privatisées, de nos piètres tentatives de « silver service » et surtout de nos collègues d’infortune dont la variété du panel permettait une étude socio-anthropologique unique. Nous avons ainsi côtoyé des artistes au chômage, des réfugiés de l’ex-Yougoslavie qui sursautaient au moindre bruit de vaisselle brisée, des vieilles toutes ridées privées de retraite, des entrepreneurs ruinés ou encore des Rémi sans famille se débattant dans une épopée hugolienne. Pour aucune de ces personnes la profession de serveur était une vocation mais chacun s’échinait à sourire et à faire virevolter assiettes et plateaux. Il n’est pas nécessaire de se rendre dans les pays du Sud pour être confronté au tiers-monde car on peut le rencontrer au coin de la rue. Ma conscience sociale est née à ce moment. De ton côté, tu t’es dit : « plus jamais ça » et de retour en France, tu t’es employée à gravir patiemment les échelons.

Il est vrai que depuis nos itinéraires ont été quelque peu différents mais cette époque nous a liées à jamais. Tu as choisi les chiffres et moi les lettres, tu craques pour les cravatés rasés de près et moi pour les altermondialistes chevelus, tu portes des chaussures à bout pointu et moi à bout rond…. Je pourrais continuer longtemps cette liste d’antagonismes mais pourtant je suis là, ayant revêtu pour l’occasion une perruque blonde, et chantant à tue tête avec tes autres amis : « Qu’est-ce qu’y fait pleurer les blondes ?». Bravo Coco, nous sommes tous venus te soutenir dans ce moment délicat et sommes fiers de toi. Tu fais même des émules, surtout depuis que tu as triomphé de ton combat contre le tabac, d’un coup de piqûre magique. Notre serial addict local s’est d’ailleurs précipité chez le gourou responsable de cette transformation radicale mais l’effet semble moins miraculeux sur lui si l’on en croit les gouttes de sueur qui perlent sur son front dès qu’il aperçoit une cigarette. Mais pour sa décharge et sans vouloir faire une mauvaise rime, il a encore un peu de temps avant d’avoir 40 ans. A nouveau bon anniversaire ! Aujourd’hui nous sommes tous des couguars enragés. No pasaran !

mardi 8 mars 2011

Même la pluie
















“Tambien la lluvia” sous son titre original. J’ai adoré ce film d’Icíar Bollaín qui nous livre une évocation subtile de la fracture Nord-Sud. Un jeune réalisateur espagnol, Sebastian, se rend en Bolivie pour tourner une fresque sur la servitude des Indiens et leur résistance aux colons espagnols du XVIe siècle. Les budgets sont serrés et le producteur, Costa, se félicite de pouvoir employer des comédiens et des figurants locaux à moindre coût. Sauf que la situation politique sur place se dégrade. L'augmentation de l'eau pousse la population à la révolte. Des tensions éclatent, menaçant la sécurité du tournage. Costa et Sebastian se trouvent malgré eux emportés dans cette lutte pour la survie d'un peuple démuni. L'injustice est au coeur du réquisitoire qu’ils sont en train de tourner. Et voilà qu'elle refait surface, sous leurs yeux, comme si l'histoire se répétait, cinq siècles plus tard. Costa et Sebastian vont-ils rester fidèles à leurs idéaux et défendre la population opprimée ? Les yeux de braise des deux acteurs nous font leur pardonner d’avance leur possible manque d’intégrité. Guapos !

J’ai eu aujourd’hui un sursaut de conscience humanitaire pour poursuivre sur la problématique cruciale de l’accès à l’eau, mais dans un contexte quelque peu différent. J’étais tout à l’heure à l’aéroport d’Orly, revenant de la ruche où j’ai été adoubée dame abeille par celle que je ne présente plus, Queen Bee, ma responsable hiérarchique, en récompense pour mes bons et loyaux services. Un aller retour en avion avec taxi à l’arrivée pour assister à une réunion de deux heures à la portée stratégique douteuse : j’apporte involontairement ma modeste contribution au réchauffement climatique. Auréolée de mon succès tout neuf, je me prêtais pour une fois sans rechigner à l’effeuillage de l’embarquement. Peu m’importaient mes chaussettes dépareillées ou mon pantalon qui glissait dangereusement mais je me suis insurgée contre l’employée au discours et aux gestes mécaniques lorsqu’elle m’a invitée à jeter ma bouteille d’eau aux trois quarts pleine. Je lui ai signifié que cela représentait un gaspillage indécent et que dans certains pays des femmes et des enfants parcouraient des dizaines kilomètres chaque jour pour aller chercher ce liquide précieux. Je poursuivais en lui expliquant que l’eau n’était pas quelque chose d’acquis mais restait le plus grand combat de l’humanité. Peu sensible à mes envolées militantes, mon interlocutrice m’a lancé un regard de têtard mort et a poussé mes affaires sur le tapis roulant.

J’étais retournée pour quelques instants dans la peau de Miss Développement Durable, comme lors de cette fameuse exposition internationale sur l’eau où j’avais pour mission de répandre la bonne parole et interpeller les visiteurs sur ces sujets sensibles. J’avais pris mon rôle très à cœur mais très vite, j’ai compris qu’elle consistait surtout à veiller à l’approvisionnement régulier des coupes de champagne de diplomates et d’hommes d’affaires bedonnants. Les ressources en eau de la planète ne sont peut être pas inépuisables mais c’était loin d’être le cas de la cave du Pavillon de la France. Bonne vivante reconnue, je suis la première à défendre ce genre de petits plaisirs mais il ya un temps pour tout et le triomphe des intérêts personnels et mercantiles au détriment d’enjeux fondamentaux auxquels l’évènement était dédié m’avait profondément dérangée à l’époque. Mon engagement pour la planète a pris fin à ce moment là mais il ne demande qu’à renaître. A l'aube de la nouvelle année, j’ai d’ailleurs eu l’idée de créer un parti. Il prônerait la lutte contre la soif. De l’eau et du vin pour tous, en pleine égalité et sans discrimination ni restriction ! Les camarades présents ont été enthousiasmés par le projet et m’ont promis leur soutien inflexible. No pasaran !

jeudi 3 mars 2011

Banditas














Les festivités prévues pour célébrer l’Année du Mexique en France sont annulées par solidarité «humanitaire» avec Florence Cassez, cette française qui purge au Mexique une peine de 60 ans pour des enlèvements qu'elle nie, et surtout suite à la pitoyable tentative du président français pour négocier sa libération. Là où il aurait fallu user de discrétion, de finesse et de tact, notre empereur Nicolas Ier a joué les donneurs de leçons, imposant haut et fort la France comme modèle à suivre en matière de démocratie et de justice et reléguant le Mexique au rang de système corrompu et dégénéré.

Curieusement les autorités mexicaines ont pris la mouche et cette pauvre Florence n’est pas prête de revoir le ciel de Paris. Echec cuisant donc pour notre super-président qui pensait redorer le blason de la France et faire oublier une succession de bourdes diplomatiques. Mais le plus grave est que, suite à cette surmédiatisation de l’affaire Cassez, l’opinion publique française, jusqu’alors compatissante ou non informée, est en train de se retourner contre Florence. Parmi les avis qui s’élèvent de la foule, certains s’avèrent particulièrement objectifs et argumentés : «Il n’y a pas de fumée sans feu. Elle était forcément au courant des agissements de son compagnon.», «A cause d’elle, le festival Rio Loco n’aura pas lieu.», «C’est agaçant tous ces articles. Qu’on nous parle d’autre chose que de Florence au pays des Picaros!», «Et puis, elle s’appelle comme ma cousine que je déteste!». Arrivée à saturation, la rue ne veut plus rien savoir et préfère condamner sans preuve. Florence est surtout coupable d’avoir choisi le garçon qu’il ne faut pas.

Avant toutes ces fâcheries et vexations politiques, j’ai moi aussi vécu une aventure mexicaine, sur un mode certes plus calme mais l’épisode mérite d’être mentionné. L’Amérique du Sud ne m’est pas inconnue et je refusais de m’arrêter aux clichés habituels d'insécurité et de violence associés au Mexique. Il n’en allait pas de même pour mon entourage qui, nourri d’images télévisuelles, me voyait déjà abusée par des narco-trafiquants, dévorée par des chiens de combat, kidnappée par des policiers petits et obèses ou encore succombant à une overdose de tequila et de haricots rouges. C’est donc le cœur léger que je m’étais rendue à l’aéroport, après des adieux déchirants avec mes proches, tous persuadés de me voir pour la dernière fois. Et au final, rien, pas la moindre contravention ou tentative d’arnaque, et encore moins de bakchich forcé. De ce que j’ai pu voir, les mexicains sont incroyablement sympathiques et honnêtes. Certaines villes comme Campeche sont même de véritables Oui-Oui Land, avec le bleu du ciel et de la mer des Caraïbes, des petites maisons aux couleurs vives et une population jeune et insouciante qui déambule nonchalamment dans les rues. Mes compatriotes, purs produits d’une société aigrie et vieillissante, devraient venir y faire régulièrement des cures de risothérapie. Le danger est ailleurs.

Florence Cassez n’a pas eu autant de chance. D’ailleurs, à quoi songe t’elle depuis sa geôle exiguë ? Son cas m’interpelle d’autant plus que nous avons le même âge et qu’il m’est arrivé aussi de manquer de discernement en matière d’hommes, avec des conséquences bien évidemment moins dramatiques. Jeunes filles, méfiez-vous des mauvais garçons ! Tôt ou tard, cela se termine mal.

L’écriture est une excellente thérapie et pourrait constituer pour Florence un moyen d’évasion. J’envisage donc, si elle est d’accord, d’entamer avec elle une correspondance qui proposerait un regard croisé sur le thème de la liberté. En effet, le sentiment d’enfermement n’est pas réservé uniquement aux personnes incarcérées mais peut être également ressenti à l'extérieur et dans un cadre douillet. Comment parvenir alors à briser ses murs et ses chaînes ? Il y aurait aussi des sujets plus légers ciblant le lectorat féminin et expliquant notamment comment détecter les mauvais maris potentiels, cuisiner avec trois fois rien, supporter les communautés de femmes… Je suis sûre que Florence va être séduite par le projet car nous avons tellement de points communs ! Le rire parviendra peut être à balayer les larmes et à adoucir l'impartialité de ses accusateurs. Nous préparerons aussi le plan média pour sa sortie que j'espère prochaine. Que sea valiente amiga, no te olvidamos. No pasaran !