mardi 5 novembre 2013

Révolution ?



La démocratie récemment instaurée à la ruche est menacée. L’Ordre des Mâles multiplie les basses manœuvres pour reprendre le contrôle et imposer des règles strictes, en prônant les notions de productivisme et de conformisme, au détriment des préoccupations créatives. Telles les enfants des « Mille jours » de l'Unité populaire du gouvernement Allende dont l’expérience inédite avait été broyée par la dictature féroce du Général Pinochet, les abeilles se préparent à affronter l’inéluctable fin d’un âge d’or. Mais comment renoncer à ses rêves alors qu’on a goûté à l’espoir ? Il est impossible de revenir en arrière, la résistance s’impose. Le « No Pasaran » salvateur est à hurler plus fort que jamais.
 
Bien que nous soyons en 2013, j’ai l’impression d'être une suffragette en train de se débattre dans un monde hostile dominé par les hommes. Car au-delà du fait que l’impitoyable machine entreprise cherche à réaffirmer ses droits sur nous, un vieux fond de misogynie mal enfoui ressurgit comme pour mieux nous remettre à notre place. Il paraît évident en effet qu’aux yeux de ces messieurs, étriqués dans leurs petits costumes de chefs, nous avons pris trop d’aisance, trop de pouvoir, et nous constituons une menace pour leur crédibilité. « Fini de chanter petites cigales, il est temps de rentrer dans le rang ! », semblent-ils dire. Pourtant, si je devais me définir, je ne me comparerai pas à la Cigale qui, dans la fable La Fontaine, a un comportement négligent et parasite et encore moins à la Fourmi qui accumule égoïstement dans son coin le produit de ses efforts. Seule une figure m’inspire dans le microcosmos : Maya, l’abeille anticonformiste et rebelle qui s’est insurgée contre le butinage à la chaîne et a choisi de vivre dans une fleur entourée de compagnons peu conventionnels. Maya, icône rock par excellence avec ses rayures affolantes !
 
Même notre responsable hiérarchique, tendrement affublé du sobriquet de Bosley, qui nous avait séduites par son accessibilité et son style métro-sexuel semble avoir basculé du côté noir de la force. Il échange des œillades suspectes avec le représentant des Ressources Inhumaines venu nous annoncer, à l’occasion de notre grand rassemblement automnal, à quelle sauce nous allions être mangées. Alors que nous pensions avoir trouvé un allié dans le combat pour la liberté des femmes, nous avons brusquement affaire à un homme de main qui exécute les sales besognes et applique les bonnes pratiques apprises dans les écoles de management : étouffer la grogne, diviser pour mieux régner, entretenir le flou…
 
Et maintenant quoi ? Il nous faudrait accepter une proposition insatisfaisante en nous estimant contentes de ne pas nous retrouver sur le trottoir, fort dépourvues avec la bise qui arrive et criant famine.  Non ! « Nous voulons du pain, mais aussi des roses ! » Les esprits s’échauffent et l’heure n’est pas encore au renoncement même si le mouvement reste difficile à canaliser et à organiser car, alors que certaines abeilles sont en proie à une hystérie incontrôlable, d’autres, percées à jour par la méthode Bosley, préfèrent se désolidariser du collectif pour protéger leurs intérêts personnels, s’accrochant à de vagues promesses. L’adversité est un grand révélateur de caractères qui élève ceux qu’elle ne dégrade pas. J’ai d’ailleurs dû intervenir en prétextant le respect du choix individuel pour sauver la peau d’une des réfractaires à l’action commune, qui, refusant de signer un tract contestataire, se faisait traiter de « collabo » par les autres. Sale époque. Heureusement que nous sommes dispersées géographiquement car en d’autres temps, elle aurait risqué la tonte honteuse.

Quelles sont les nouvelles du front me demanderez-vous ? Pour tout vous dire, nous n’avons pas encore pris les armes. Nous tentons pour l’instant la conciliation pacifique et il est vrai qu’après les réactions passionnées des premiers jours, la mobilisation retombe un peu, surtout avec les ponts de novembre. Ambiance sous les pavés la plage. Nous veillons tout de même avec quelques autres à ne pas baisser la garde. Cette situation de crise n’aura pas créé que des divisions et des alliances inattendues se sont mises en place. Tout en préparant notre prochaine contre-offensive, je suis partie en permission pour m’aérer l’esprit et explorer de nouvelles fleurs qui pourraient constituer de potentiels refuges pour l’avenir. No pasaran !