lundi 9 mars 2009

Douce France













On a beau avoir à peu près réussi son intégration dans sa terre d’adoption, il est presque impossible de ne pas souffrir de temps en temps du mal du pays et d’avoir un besoin viscéral de fouler, ne serait-ce que pour quelques heures, le sol français. Je l’ai bien compris l’autre jour lorsque, devant rendre visite à des amis dans le Béarn, près de Pau, je n’ai pas pu passer la frontière à cause d’une mauvaise conjoncture météorologique. Les éléments naturels étaient contre moi et je me voyais mal dans le remake de « En Pleine Tempête » version neige, attendant en vain le Georges Clooney maño pour me sauver. Nous, exilés volontaires ou contraints, sommes toujours déchirés entre notre nécessaire acclimatation au lieu qui devient notre « maison » et la nostalgie de l’endroit d’où on vient, dont il nous est impossible de faire le deuil. Pourtant, dans mon cas, la France est à deux pas mais un monde sépare nos deux pays, une montagne aussi, parfois infranchissable… Si loin, si proche.

Je tiens à souligner que mon attachement à l’Espagne est profond et sincère, même si je me moque parfois du « tanguysme » des jeunes, du « bigotisme » des vieux, de leur relation orgasmique au foot, de leur apprentissage dans la douleur des langues étrangères, des effluves « enivrantes » des eaux de Cologne pour hommes, de l’approche expérimentale de la coiffure… Qui aime bien châtie bien comme on dit.

Les coiffeurs espagnols représentent tout de même un danger réel et je vous recommande de réfléchir à deux fois avant de tenter l’aventure. Il ne faut surtout jamais laisser carte blanche à l’un de ces « psychopathes du ciseau », au risque de vous retrouver avec une coupe asymétrique, des extensions de cheveux multicolores ou, pire, avec un « flequillo », la fameuse frange espagnole qui permet de les distinguer du reste du monde. C’est en connaissance de cause que je parle car j’ai bien failli être une victime de plus. Convaincue par une coiffeuse manipulatrice que quelques mèches plus courtes sur le devant mettraient mieux en valeur mon visage enfantin, j’ai vu avec horreur commencer à se dessiner une frange et j’ai eu juste le temps d’arrêter les ciseaux qui coupaient frénétiquement. Il s’en est fallu de peu pour que je me retrouve avec la fameuse coupe au bol de mon enfance, imposée par une mère fan des Beatles. Avec mes dents écartées à la Sylvie Vartan, j’avais tout d’une rescapée des années yéyés.

Mais j’arrête de dire du mal de mon pays d’accueil car je vais bientôt passer pour l’une de ces françaises qui développent un complexe de supériorité, dès qu’elles se trouvent à l’étranger. Ayant plusieurs expatriations à mon actif, j’ai en effet noté quelques caractéristiques récurrentes dans le comportement de mes compatriotes, qui se répètent d’un pays à l’autre. La France, pays des droits de l’homme, liberté, égalité, fraternité… Nous sentons alors que nous avons pour mission de prêcher la bonne parole et de nous imposer comme le modèle, l’exemple à suivre. Tous les pays que nous « colonisons » font partie du « quart-monde » et nous traitons avec une pitié condescendante les « bons sauvages » qui les peuplent. Et puis surtout, restons groupés car ils pourraient nous contaminer. Je me sens toujours très fière de mes origines quand je voyage. Certains importent aussi des concepts typiquement français, en se disant qu’il n’y a rien de valable au niveau local. C’est le cas du directeur d’un journal francophone de Madrid, qui assume pleinement le degré zéro d’information et la pratique de la langue de bois de son canard. Il organise des cocktails « after work », sur le modèle de ceux qui plaisent tant aux jeunes cadres dynamiques parisiens. Ce même journal publie des photos de ces chouettes soirées et on peut voir des costards-tailleurs en grappes qui se trémoussent maladroitement et échangent leurs cartes de visite. Quelle horreur, je n’ai pas fui Sarkoland pour subir ça de nouveau ! Je préfère largement traîner dans les bars louches, en compagnie de réfugiés politiques sud-américains qui me racontent les conditions terribles de leur exil forcé, cherchant à m’attendrir pour me faire ensuite des propositions malhonnêtes. Citoyenne du monde certes, mais jusqu’à quel point ?

Je repense à mon rendez-vous manqué avec la France. Ah le Béarn, ses vertes prairies, ses montagnes à la Heidi, ses bons fromages mais quand vient le soir… brrrrrrrr. Il semble que Pau a imposé le couvre feu car, passé minuit, même les chiens ne se risquent pas dans les rues. C’est curieux car la ville a longtemps eu un maire socialiste et homosexuel qui avait la réputation de placer ses camarades de jeu à des postes clés. Il semble qu’ils n’ont pas su imposer le sens de la fantaisie et de la fête qui caractérise souvent la communauté gay. Cela aurait été bien différent si le poste avait été tenu par certaines personnes que je connais et que je ne nommerai pas. IRENE PRESIDENTE ! Elle dirait d’ailleurs, d’un regard las derrière ses faux cils : « ces gays de province, il n’y a rien à en tirer. »

La France a vraiment des choses à apprendre de ses voisins espagnols. Je songe à ces familles entières tassées dans des bars enfumés à l’heure de l’apéritif, faisant un pied de nez à la crise et aux risques de tabagisme passif pour Junior qui suffoque dans sa poussette. Je vois ces mamies en goguette qui, bras dessus bras dessous, refont le monde en arpentant les rues à trois heures du matin. Et puis le temps s’est mis au beau fixe, l’été est déjà là et les premiers coups de soleil aussi … La vida es bella, même en temps de crise ! Viva España!

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