jeudi 27 novembre 2014

Celebrity Bashing

Il y a quelques jours, j’ai commis un acte presque inavouable : je suis allée voir de mon plein gré « Respire », le deuxième film de Mélanie Laurent, rompant ainsi le pacte scellé avec mes copines de détestation absolue et de boycottage systématique de celle qui se revendique comme une artiste touche à tout infatigable et inspirée. C'était ma deuxième entorse à notre règle sacrée puisque, à l’occasion d’un séjour à Paris, j’avais été traînée par mes collègues féminines assister à la pièce « Promenade de Santé » écrite et mise en scène par le non moins insupportable Nicolas Bedos qui offrait à ML son premier rôle au théâtre. Rien ne m’avait été épargné et ce fut un grand moment d’échange et de partage autour de celle que l’on adore haïr.   

Malgré la brièveté bienvenue de la pièce et l’inconfort non légendaire des fauteuils d’orchestre - plutôt souffrir que de gonfler encore plus les poches de représentants d’un théâtre ouvertement commercial -, je tombais dans une sorte d’engourdissement et de torpeur. A la fin  de la représentation, alors que je n’entretenais aucun espoir quant à la possible réussite de ce spectacle et avais sacrifié ces instants trop longs à l’inévitable quota annuel de temps « privilégiés » entre collègues hors du contexte du travail, mes camarades, qui s’attendaient à vivre un moment magique de showbiz, exprimaient haut et fort leur déception. Le plus subtil des chroniqueurs mondains n’aurait rien eu à envier à la pertinence de leurs propos : « 65 minutes, c’est vraiment court pour le prix. »,  « ML est beaucoup moins bien en vrai et sans maquillage », « On dirait un spectre. », « Je ne savais pas qu’elle couchait avec Bedos »…. Bref, ça fait du bien de dire du mal ! J’assume pleinement cette expérience au risque de décevoir mes amis parisiens qui ne jurent que par le théâtre subventionné. Mon côté midinette l’a emporté sur mon engagement militant mais cet épisode a marqué la fin de ma participation aux sorties comité d’entreprise fédératrices. Plus jamais ça !


Mon cercle proche, mes collègues et moi-même ne sommes pas les seules à remettre en cause le talent et le potentiel de sympathie de ML car elle est la cible d’une grogne grandissante sur le web et des milliers d’internautes sous pseudos s’agacent des velléités créatives de cette « précieuse ridicule » et de son omniprésence médiatique.  De nombreuses actrices se sont pourtant essayées à la réalisation sans déclencher une telle campagne d’hostilité. Je pense en particulier à la pétillante Valérie Donzelli dont j’apprécie l’énergie et la gaucherie assumée et qui a touché plus de 800 000 spectateurs avec « La Guerre est déclarée ».


Le pire est qu’avec toute cette méchanceté dont on se délecte, on en oublie presque le principal, l’objet film qui, je dois l’admettre, n’est pas si mal. Même le baromètre cinéphilique pour bobos incarné par le Petit Bonhomme Télérama affiche un visage neutre et dit aimer un peu. "Respire " évoque l’amitié toxique entre deux adolescentes, une expérience qui n’est pas étrangère à ML puisqu’elle avoue elle-même que, déjà au lycée, les autres élèves lui faisaient « la misère ». Depuis les rangs de ses détracteurs ont grossi et ML est aujourd’hui victime d’un mouvement global,  le « celebrity bashing » qui touche le plus souvent les stars féminines. Ce terme anglo-saxon pompeux, dont le simple fait qu’il n’a pas de traduction en français énerve, m’a été soufflé par une rescapée du phénomène, Vanessa Paradis, qui dans une interview chantait les louanges de sa consœur de sa petite voix fluette et appelait à un cessez-le-feu immédiat. Il faut sauver la Fée Clochette.  Alors Mel, pourquoi tant de N ?


Futile ou inutile, cette réflexion autour de l’impopularité d’une people ne peut s’expliquer par de la simple malveillance féminine.  Certes les femmes sont terribles entre elles, se jalousent, se suspectent et savent toujours détecter le détail imparfait qui permettra de générer de savoureuses critiques.  Pourtant nous devrions nous serrer les coudes dans une société  profondément machiste où la parité semble encore une utopie inatteignable,  mais nous préférons taper sur celles qui osent se démarquer, sortir du cadre et s’affirmer. C’est le cas de ML qui ne cache pas sa réussite et ne joue pas la carte de la modestie pour apaiser ses opposants. Elle fonce, fait ce dont elle a envie en s’en donnant les moyens et semble être dotée d’une confiance en elle inébranlable. Dans un contexte très morose, cette approche du monde plus nord-américaine que française suscite l’admiration et l’agacement. Nous n’envions donc pas sa blondeur ou son twist avec Tarentino mais plutôt sa niaque à toute épreuve. Prenons-en de la graine pour mettre autant d’énergie dans nos projets personnels et toi Mel, je t’invite à faire vœu d’humilité dès que possible. Par contre, ne pousse pas la provocation jusqu’à écrire un livre car là c’est moi qui appellerais à la censure. No pasaran !

mercredi 5 mars 2014

Redemption run




Le fait de revivre dans sa ville natale est source de constantes joies quotidiennes, notamment car cela occasionne de croiser au hasard des rues des visages familiers, parfois presque méconnaissables, victimes impuissantes de manipulations perfides à partir d’un logiciel de vieillissement de l’image. Qu’est-il arrivé au bogosse du lycée qui capitalise désormais pour retrouver un peu de son sex-appel perdu sur la combinaison calvitie et embonpoint, remise au goût du jour par François H, notre président bien-aimé ? La déchéance physique n’est cependant rien par rapport à la dégradation morale. Quelle ne fut pas ma surprise en effet de reconnaître dans ce gros macho en 4X4 qui cherchait à doubler mon vélo en hurlant : « Dégage salope de bobotte !!! », le chef de file de l’époque de mes premières manifs. Camarade, il semble que tu aies renoncé au port du keffieh et à la défense des idéaux marxistes pour prendre un mauvais virage et t’engluer de manière irréversible dans la beauferie.
Mais le plus drôle - ou pas. Tout dépend du point de vue et de la capacité de chacun à prendre du recul - est de tomber sur de « vieilles connaissances » filles. La confrontation est rarement pleine de bienveillance et, d’un coup d’œil expert, on se jauge mutuellement et sans détour. Ainsi, j’ai revu il y a peu de temps mon ennemie jurée de 5ème, la terrible Lucie P. Elle trottinait péniblement le long du Canal du Midi, les cheveux gras, des poches profondes sous les yeux et la cellulite débordant d’un jogging informe. La scène se passait par un dimanche matin ensoleillé et une foule hétéroclite encombrait les berges, s’échinant à faire un semblant d’exercice dans l’espoir de compenser tant bien que mal ses excès et d’atteindre l’absolution par le sport. La charte olympique précise que : "La pratique du sport est un droit de l’homme. », et que : « Chaque individu doit avoir la possibilité de faire du sport sans discrimination d’aucune sorte. » mais la tolérance a des limites. Heureusement le reste de la semaine est réservé aux vrais aficionados du running qui sont prêts à braver vent et tempêtes pour avoir leur dose quotidienne d’endorphine.
Lucie P tressaillit en me voyant. Il faut dire que j’avais fière allure, splendidement moulée dans une tenue très près du corps, et que la légèreté de ma foulée était démultipliée par une élégante queue de cheval qui se balançait suivant le rythme de mes mouvements. Les êtres ne sont pas tous égaux face à l’héritage génétique et Lucie P en prit brutalement conscience. Victoire par KO pour Maya ! Galvanisée par cette brève rencontre, je pulvérisais ce jour-là mes records de chrono et diffusais sur mon passage des ondes de plaisir qui ne laissèrent pas indifférente la gent masculine en baskets.
J’ai commencé à courir à l’aube de la trentaine, âge où l’on n’a plus le même enthousiasme pour les virées en boîte de nuit et où l’on aspire à plus d’authenticité et à une meilleure hygiène de vie, et, depuis, je ne me suis jamais arrêtée. La sensation de bien-être que cela procure m’est indispensable et s’est avérée être un précieux remède dans les moments difficiles. Je fais partie de ces convertis improbables, shootés à l’hormone du bonheur, qui n’ont de cesse d’aller toujours plus loin et toujours plus haut, en surenchérissant sur leurs performances. Une addiction en chasse une autre. Les clubbers d’hier sont devenus les runners d’aujourd’hui. Seuls quelques fêtards non repentis, dotés d’un métabolisme étrangement résistant, continuent à mener les deux pratiques de front. Chapeau les gars mais c’est quoi votre truc ?
Je suis désormais totalement intégrée à la secte de ces drôles de gens, qui, de leur plein gré, mettent leurs corps à la peine jusqu’à l’épuisement et se nourrissent de pâtes et de bananes séchées. Notre communauté en pleine expansion est devenue la cible privilégiée de campagnes de pub coup de poing nous vantant les vertus de vêtements techniques hors de prix et de substances énergétiques suspectes, destinés à nous rendre invincibles. Certains aspects dans l’image véhiculée sont tout de même à repenser pour conquérir et fidéliser de nouveaux adeptes. Je pense en particulier au classement par âge dans les courses officielles dicté par le Fédération de l’Athlétisme qui fait des plus de 23 ans des seniors avant de ranger définitivement les plus de 39 ans dans la catégorie vétérans. Difficile de croire alors à des possibilités physiques repoussées à l’infini et à une solution palliative aux affres du temps. Laissez-nous courir jusqu’au bout du rêve et faites que la machine ne se rouille jamais ! Ce message est dédié à tous mes amis joggeurs, randonneurs, marathoniens et trailers de tous horizons et de tous poils mais aussi à Lucie P qui doit persévérer dans ses efforts. No pasaran !