jeudi 31 mars 2011

La revanche d'une blonde














Ne vous méprenez pas sur le titre ; cette chronique n’est pas destinée à mettre à l’honneur ma modeste personne dotée d’une chevelure châtain clair au léger balayage mais elle parle d’une blonde, une vraie, dont nous célébrons en ce 31 mars 2011 l’entrée dans le cercle fermé des porteurs du chiffre 4. Bon anniversaire Coco ! Tu es la première de notre petit groupe d’adolescents attardés à vivre cette terrible épreuve et nous t’observons avec appréhension et effroi glisser dans les eaux troubles de la quarantaine. Que se passe t’il de l’autre côté ? Est-ce que l’on subit des transformations physiques et psychologiques immédiates et irréversibles : blanchissement soudain des cheveux, chute des dents, affaissement des paupières, prise de bide définitive, goût immodéré pour les tubes commerciaux des années 80… ? Tu sembles pourtant bien résister aux ravages du temps, toute auréolée de blond et préservée des coups de scalpel pseudo-réparateurs.

Comme il semble loin et irréel cet automne 1997 où nos chemins se croisaient pour la première fois dans le métro londonien. Toi aussi tu avais été tenté par l’appel de Londres et travaillais alors comme jeune fille au pair, même si jeune fille tu ne l’étais plus tout à fait. Cantonnée à des tâches ménagères bien peu passionnantes et honteusement exploitée par ta « famille d’accueil », tu avais vite pris la poudre d’escampette, persuadée qu’un destin plus grand t’attendait ailleurs. Sur mes conseils, tu entamas une carrière prometteuse dans la restauration, secteur dans lequel l’exploitation de l’homme par l’homme est aussi quotidienne mais cela tu ne le savais pas encore. A la fin des années 90, les médias français saluaient unanimement le miracle londonien et nombreux étaient les jeunes français qui franchissaient la Manche persuadés de trouver un job de rêve en quelques heures. La réalité était toute autre. La plupart de ces ambitieux aventuriers se retrouvaient à trimer très dur dans des hôtels ou des cafés pour quelques poignées de livres qui leur permettaient à peine de subsister. Même si à cet âge, la principale préoccupation est de savoir où sortir le soir, Londres faisait l’effet d’un miroir aux alouettes.

Heureusement notre glamour nous a permis de nous positionner rapidement comme soubrettes vips. Souviens-toi chère amie de cette petite jupe noire si seyante qui devait arriver pile au niveau du genou et que nous portions crânement sur des plateaux télé ou des péniches privatisées, de nos piètres tentatives de « silver service » et surtout de nos collègues d’infortune dont la variété du panel permettait une étude socio-anthropologique unique. Nous avons ainsi côtoyé des artistes au chômage, des réfugiés de l’ex-Yougoslavie qui sursautaient au moindre bruit de vaisselle brisée, des vieilles toutes ridées privées de retraite, des entrepreneurs ruinés ou encore des Rémi sans famille se débattant dans une épopée hugolienne. Pour aucune de ces personnes la profession de serveur était une vocation mais chacun s’échinait à sourire et à faire virevolter assiettes et plateaux. Il n’est pas nécessaire de se rendre dans les pays du Sud pour être confronté au tiers-monde car on peut le rencontrer au coin de la rue. Ma conscience sociale est née à ce moment. De ton côté, tu t’es dit : « plus jamais ça » et de retour en France, tu t’es employée à gravir patiemment les échelons.

Il est vrai que depuis nos itinéraires ont été quelque peu différents mais cette époque nous a liées à jamais. Tu as choisi les chiffres et moi les lettres, tu craques pour les cravatés rasés de près et moi pour les altermondialistes chevelus, tu portes des chaussures à bout pointu et moi à bout rond…. Je pourrais continuer longtemps cette liste d’antagonismes mais pourtant je suis là, ayant revêtu pour l’occasion une perruque blonde, et chantant à tue tête avec tes autres amis : « Qu’est-ce qu’y fait pleurer les blondes ?». Bravo Coco, nous sommes tous venus te soutenir dans ce moment délicat et sommes fiers de toi. Tu fais même des émules, surtout depuis que tu as triomphé de ton combat contre le tabac, d’un coup de piqûre magique. Notre serial addict local s’est d’ailleurs précipité chez le gourou responsable de cette transformation radicale mais l’effet semble moins miraculeux sur lui si l’on en croit les gouttes de sueur qui perlent sur son front dès qu’il aperçoit une cigarette. Mais pour sa décharge et sans vouloir faire une mauvaise rime, il a encore un peu de temps avant d’avoir 40 ans. A nouveau bon anniversaire ! Aujourd’hui nous sommes tous des couguars enragés. No pasaran !

mardi 8 mars 2011

Même la pluie
















“Tambien la lluvia” sous son titre original. J’ai adoré ce film d’Icíar Bollaín qui nous livre une évocation subtile de la fracture Nord-Sud. Un jeune réalisateur espagnol, Sebastian, se rend en Bolivie pour tourner une fresque sur la servitude des Indiens et leur résistance aux colons espagnols du XVIe siècle. Les budgets sont serrés et le producteur, Costa, se félicite de pouvoir employer des comédiens et des figurants locaux à moindre coût. Sauf que la situation politique sur place se dégrade. L'augmentation de l'eau pousse la population à la révolte. Des tensions éclatent, menaçant la sécurité du tournage. Costa et Sebastian se trouvent malgré eux emportés dans cette lutte pour la survie d'un peuple démuni. L'injustice est au coeur du réquisitoire qu’ils sont en train de tourner. Et voilà qu'elle refait surface, sous leurs yeux, comme si l'histoire se répétait, cinq siècles plus tard. Costa et Sebastian vont-ils rester fidèles à leurs idéaux et défendre la population opprimée ? Les yeux de braise des deux acteurs nous font leur pardonner d’avance leur possible manque d’intégrité. Guapos !

J’ai eu aujourd’hui un sursaut de conscience humanitaire pour poursuivre sur la problématique cruciale de l’accès à l’eau, mais dans un contexte quelque peu différent. J’étais tout à l’heure à l’aéroport d’Orly, revenant de la ruche où j’ai été adoubée dame abeille par celle que je ne présente plus, Queen Bee, ma responsable hiérarchique, en récompense pour mes bons et loyaux services. Un aller retour en avion avec taxi à l’arrivée pour assister à une réunion de deux heures à la portée stratégique douteuse : j’apporte involontairement ma modeste contribution au réchauffement climatique. Auréolée de mon succès tout neuf, je me prêtais pour une fois sans rechigner à l’effeuillage de l’embarquement. Peu m’importaient mes chaussettes dépareillées ou mon pantalon qui glissait dangereusement mais je me suis insurgée contre l’employée au discours et aux gestes mécaniques lorsqu’elle m’a invitée à jeter ma bouteille d’eau aux trois quarts pleine. Je lui ai signifié que cela représentait un gaspillage indécent et que dans certains pays des femmes et des enfants parcouraient des dizaines kilomètres chaque jour pour aller chercher ce liquide précieux. Je poursuivais en lui expliquant que l’eau n’était pas quelque chose d’acquis mais restait le plus grand combat de l’humanité. Peu sensible à mes envolées militantes, mon interlocutrice m’a lancé un regard de têtard mort et a poussé mes affaires sur le tapis roulant.

J’étais retournée pour quelques instants dans la peau de Miss Développement Durable, comme lors de cette fameuse exposition internationale sur l’eau où j’avais pour mission de répandre la bonne parole et interpeller les visiteurs sur ces sujets sensibles. J’avais pris mon rôle très à cœur mais très vite, j’ai compris qu’elle consistait surtout à veiller à l’approvisionnement régulier des coupes de champagne de diplomates et d’hommes d’affaires bedonnants. Les ressources en eau de la planète ne sont peut être pas inépuisables mais c’était loin d’être le cas de la cave du Pavillon de la France. Bonne vivante reconnue, je suis la première à défendre ce genre de petits plaisirs mais il ya un temps pour tout et le triomphe des intérêts personnels et mercantiles au détriment d’enjeux fondamentaux auxquels l’évènement était dédié m’avait profondément dérangée à l’époque. Mon engagement pour la planète a pris fin à ce moment là mais il ne demande qu’à renaître. A l'aube de la nouvelle année, j’ai d’ailleurs eu l’idée de créer un parti. Il prônerait la lutte contre la soif. De l’eau et du vin pour tous, en pleine égalité et sans discrimination ni restriction ! Les camarades présents ont été enthousiasmés par le projet et m’ont promis leur soutien inflexible. No pasaran !

jeudi 3 mars 2011

Banditas














Les festivités prévues pour célébrer l’Année du Mexique en France sont annulées par solidarité «humanitaire» avec Florence Cassez, cette française qui purge au Mexique une peine de 60 ans pour des enlèvements qu'elle nie, et surtout suite à la pitoyable tentative du président français pour négocier sa libération. Là où il aurait fallu user de discrétion, de finesse et de tact, notre empereur Nicolas Ier a joué les donneurs de leçons, imposant haut et fort la France comme modèle à suivre en matière de démocratie et de justice et reléguant le Mexique au rang de système corrompu et dégénéré.

Curieusement les autorités mexicaines ont pris la mouche et cette pauvre Florence n’est pas prête de revoir le ciel de Paris. Echec cuisant donc pour notre super-président qui pensait redorer le blason de la France et faire oublier une succession de bourdes diplomatiques. Mais le plus grave est que, suite à cette surmédiatisation de l’affaire Cassez, l’opinion publique française, jusqu’alors compatissante ou non informée, est en train de se retourner contre Florence. Parmi les avis qui s’élèvent de la foule, certains s’avèrent particulièrement objectifs et argumentés : «Il n’y a pas de fumée sans feu. Elle était forcément au courant des agissements de son compagnon.», «A cause d’elle, le festival Rio Loco n’aura pas lieu.», «C’est agaçant tous ces articles. Qu’on nous parle d’autre chose que de Florence au pays des Picaros!», «Et puis, elle s’appelle comme ma cousine que je déteste!». Arrivée à saturation, la rue ne veut plus rien savoir et préfère condamner sans preuve. Florence est surtout coupable d’avoir choisi le garçon qu’il ne faut pas.

Avant toutes ces fâcheries et vexations politiques, j’ai moi aussi vécu une aventure mexicaine, sur un mode certes plus calme mais l’épisode mérite d’être mentionné. L’Amérique du Sud ne m’est pas inconnue et je refusais de m’arrêter aux clichés habituels d'insécurité et de violence associés au Mexique. Il n’en allait pas de même pour mon entourage qui, nourri d’images télévisuelles, me voyait déjà abusée par des narco-trafiquants, dévorée par des chiens de combat, kidnappée par des policiers petits et obèses ou encore succombant à une overdose de tequila et de haricots rouges. C’est donc le cœur léger que je m’étais rendue à l’aéroport, après des adieux déchirants avec mes proches, tous persuadés de me voir pour la dernière fois. Et au final, rien, pas la moindre contravention ou tentative d’arnaque, et encore moins de bakchich forcé. De ce que j’ai pu voir, les mexicains sont incroyablement sympathiques et honnêtes. Certaines villes comme Campeche sont même de véritables Oui-Oui Land, avec le bleu du ciel et de la mer des Caraïbes, des petites maisons aux couleurs vives et une population jeune et insouciante qui déambule nonchalamment dans les rues. Mes compatriotes, purs produits d’une société aigrie et vieillissante, devraient venir y faire régulièrement des cures de risothérapie. Le danger est ailleurs.

Florence Cassez n’a pas eu autant de chance. D’ailleurs, à quoi songe t’elle depuis sa geôle exiguë ? Son cas m’interpelle d’autant plus que nous avons le même âge et qu’il m’est arrivé aussi de manquer de discernement en matière d’hommes, avec des conséquences bien évidemment moins dramatiques. Jeunes filles, méfiez-vous des mauvais garçons ! Tôt ou tard, cela se termine mal.

L’écriture est une excellente thérapie et pourrait constituer pour Florence un moyen d’évasion. J’envisage donc, si elle est d’accord, d’entamer avec elle une correspondance qui proposerait un regard croisé sur le thème de la liberté. En effet, le sentiment d’enfermement n’est pas réservé uniquement aux personnes incarcérées mais peut être également ressenti à l'extérieur et dans un cadre douillet. Comment parvenir alors à briser ses murs et ses chaînes ? Il y aurait aussi des sujets plus légers ciblant le lectorat féminin et expliquant notamment comment détecter les mauvais maris potentiels, cuisiner avec trois fois rien, supporter les communautés de femmes… Je suis sûre que Florence va être séduite par le projet car nous avons tellement de points communs ! Le rire parviendra peut être à balayer les larmes et à adoucir l'impartialité de ses accusateurs. Nous préparerons aussi le plan média pour sa sortie que j'espère prochaine. Que sea valiente amiga, no te olvidamos. No pasaran !