mardi 12 mars 2013

Mes seins, mes armes ?




« Quand je serai grande, je serai une Femen ! ». Ainsi s’exprimeront bientôt les petites filles, tellement le phénomène prend de l’ampleur et est décliné à toutes les sauces, surtout à l’occasion de cette journée du 8 mars hypocritement dédiée aux femmes. Elles troqueront alors sans regret la japonaise Hello Kitty et son univers débilisant pour ces nouvelles poupées russes qui vont le téton au vent ; une aubaine pour leurs mamans qui économiseront l’achat d’une multitude d’accessoires inutiles, sauf peut-être quelques couronnes de fleurs et pinceaux à dessin.

Petite piqûre de rappel pour ceux qui auraient été récemment coupés du monde et des médias : les Femen, ce sont ces féministes ukrainiennes qui manifestent topless, le corps peinturluré de slogans provocateurs du type « Pope no more », « DSK, descends si tu es un homme» ou encore « In gay we trust ». Plus que de simples activistes, elles se définissent comme de véritables guerrières qui s’attaquent à toutes les formes d’oppression féminine et aux grandes figures du despotisme. Beaucoup de personnes les prennent pour des déclinaisons soviétiques de la Chicholina, remettant en cause l’efficacité de leurs actions et le contenu même de leur message. Pourtant leur courage et leur détermination sont indéniables. On les a vues récemment tenir en tête aux pourfendeurs du « Mariage pour Tous » lors d’une manifestation organisée par les ultra-catholiques à Paris et se faire tabasser par leurs « miliciens ». Images chocs et démonstration efficace de la violence et du machisme de ces groupuscules.

La source idéologique du mouvement est moins évidente. Les Femen se disent marxistes et auraient eu une sorte de révélation suite à la lecture de « La Femme et le Socialisme ». On ne peut s’empêcher d’être dubitatif mais l’originalité de leur mode opératoire l’emporte largement sur leurs motivations. C’est leur féminisme de rue qui séduit et fait des émules partout dans le monde, jusqu’en France où un camp d’entraînement a été ouvert dans le 18ème arrondissement de Paris. La province n'est pas en reste puisque hier à Toulouse une bande d’agitatrices aux seins nus ont grimpé sur la statue de Jeanne d’Arc pour la libérer de la récupération politique faite par le Front National et se réapproprier l’héroïne. Mouais ! Trop de Femen tue les Femen ! Toute cette rage et ce déploiement d’énergie m’ont cependant inspirée et je me suis empressée d’appeler Bosley, mon chef bien aimé :

« - Hello Bosley

- Salut Maya. Ca va bien à Toulouse ? Il fait beau ?

- Ca va merci mais je t’appelle pour autre chose que pour un échange sans intérêt autour des conditions météo….

- OK je t’écoute.

- Tu nous as demandé de proposer des idées nouvelles pour le grand rassemblement fédérateur des abeilles et je crois en avoir trouvé une excellente….

Bosley s’inquiète repensant à mes initiatives récentes.

- Tu connais les Femen ? He bien, elles ont ouvert un « centre de formation » dans le 18ème et ont de la place pour la semaine 15. Le programme est très complet : initiation à la boxe, en finir avec la culotte de cheval, le marxisme pour les nuls, peinture sur corps… Les filles vont adorer et en plus ça nous fera sortir de la ruche. L’objectif est, après une semaine en résidence, d’organiser une opération pendant le weekend.

Bosley trésaille.

- Elles ne sont pas un peu trop radicales ?

- Pas du tout. Nos ennemis sont les mêmes : le capital, l’église, les dictateurs, les gros machos. En plus, le nom de notre boîte (Xxxxen*) rime avec Femen. J’ai déjà l’impression de faire partie de leur sororité !!! Par contre, nous devrons nous méfier de leur leader, cette Inna Shevchenko, qui, avec son regard bleu illuminé, semble vouloir tout contrôler. il faudra aussi adapter leur concept à notre sauce. J’aimerais trouver autre chose que le topless qui est ringard depuis le début des années 2000 et peu pratique pour la course quand on fait plus qu’un 85A. Ces jeunes ukrainiennes sont énervantes avec leurs mini-seins. Comment fait-on pour fuir à toutes jambes avec grâce et élégance quand on est doté comme moi d’une poitrine généreuse si celle-ci n’est pas solidement maintenue? Et puis, on pourrait scander nos revendications en espagnol en mettant du « ¡No Pasaran! » partout….

- Tu entends quoi par modèle revisité ?

- Cela reste bien sûr à peaufiner mais j’ai déjà une vision assez précise du projet. Tout d’abord, on réinjecte des hommes et tout le monde se déshabille ou peut être juste les gars en témoignage de leur solidarité totale avec la cause féminine. On peut imaginer un happening reprenant la chanson Aquarius de Hair, époque Flower Power. D’ailleurs, tu devrais être le premier à quitter tes vêtements. Tu deviendrais ainsi la première icône masculine défendant les droits des femmes et gagnerais en une seule mise un immense potentiel sympathie. Certes, on détournera complètement l’image du beau gosse (Adieu Julien Clerc !) mais la foule en liesse sera tout autant séduite par un corps rondelet et décomplexé !

Bosley n’a plus de temps à perdre et se met à pianoter frénétiquement sur Internet pour savoir s’il y a déjà eu des cas de demandes d’asile politique acceptées pour cause d’harcèlement par des sous-fifres féminins.

- Ton enthousiasme muet illumine ma journée ! Emballé, c’est pesé ! Je contacte tout de suite les filles. On te tiendra informé de la suite. Xxxxen, Femen, même combat ! No Pasaran! »

*Information que je tiendrais confidentielle pour des raisons évidentes.