jeudi 23 avril 2009

La Retirada


















La Retirada, c’est le nom donné à l’exil des Républicains espagnols qui en 1939, après trois ans d’une guerre civile sanglante, ont fui leur pays tombé aux mains du généralissime Franco. Beaucoup ont traversé les Pyrénées à pied, dans la neige et le froid. Ce fut terrible, terrible. Autre contexte, autre époque, autre météo et autre mode de transport, je me prépare aussi à faire la grande traversée. Cap sur la France, Valérie rentrée maison, I go home.

Telle une Ségolène Royal s’excusant au nom de la France auprès du Premier Ministre espagnol Zapatero que notre empereur Nicolas Ier aurait traité de « gros abruti » (ce n’est pourtant pas du tout le genre de Sarko de faire des écarts de langage vulgaires), je me repends à mon tour. Les petites piques que j’ai pu envoyer à nos amis espagnols n’étaient que pour mieux les comprendre et les aimer. Mon cœur saigne. Ami lecteur, vois cette petite larme qui coule, au moment où j’écris ces mots. Queridos amigos, voy a echarles de menos muchissimo. No es un adios pero un hasta luego. La lucha continua ¡No pasaran ¡

Il ya tout de même des aspects auxquels je n’ai jamais pu m’habituer et ce en dépit d’une capacité d’adaptation maintes fois prouvée. Les gens de Saragosse se targuent d’avoir le climat le plus sain d’Espagne. Cela ne fait aucun doute avec des températures qui avoisinent les 50 degrés à l’ombre en été et surtout le fameux cirzo, le vent de « chez nous » qui souffle en rafales 24 heures sur 24 et balaie tout sur son passage. Combien de fois, ayant courageusement enfourché mon vélo et pédalant « à contre-courant », j’ai ressenti la fragilité de l’homme face aux éléments naturels déchainés et vu la mort de près, oscillant dangereusement vers les eaux turbulentes du fleuve Ebre. « L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant.», je songeais alors, en repensant soudain à Blaise Pascal et à mes cours de philo du lycée. C’est curieux les souvenirs qui reviennent dans les moments extrêmes.

Le monde des affaires aragonais m’a également laissé dubitative. Les entrepreneurs locaux sont de vrais cowboys qui traitent leurs employés comme du bétail et ont une conception progressiste du rôle de la femme dans la société qui se résume en ces termes : « Tais toi femme et reste à la maison. » Le problème se pose forcément quand on est une femme mais qu’on n’a pas l’âme femelle. Ces rescapés de l’âge de pierre ont aussi une ouverture au monde égale ou inférieure à zéro. Ils aiment dire que les marketeurs viennent souvent tester les nouveaux produits à Saragosse car si un produit fonctionne ici, il fonctionnera partout ailleurs. Le problème est qu’ils se méfient de l’Autre, de l’Etranger, ne laissent personne s'aventurer sur leur territoire et ne partent pas non plus explorer de nouveaux horizons, d’où un marché « consanguin », fermé et encore plus opaque si on est une femme. Je me suis cognée la tête mais eux aussi sur moi !

Cette semaine sera marquée par une succession d’adieux déchirants. J’ai du notamment annoncer la triste nouvelle à mes « copines » du club de sport. L’une des blondes, qui semble faire corps avec le décor tellement elle est assidue et qui, signe de total respect, veut toujours être avec moi pour les exercices à deux, m’a dit, ne cherchant pas à masquer son chagrin : « Et la gym? Comment tu vas faire ? Que vas-tu devenir ? ». Touchée par son inquiétude, je lui ai alors expliqué que, bien que Zaragoza soit The Place to Be et la ville qui dicte la mode et les nouvelles tendances (c’est bien connu !), il existait des clubs ailleurs et que, à force de déménagements, je pourrais presque écrire un guide sur le sujet. Son admiration à mon égard a alors grimpé en flèche, en même temps que son désespoir de me voir partir. La serrant dans mes bras, je lui alors promis de « toujours garder la cuisse ferme et le mollet galbé ». L’administration du club a prévu de mettre à l’entrée un drapeau en berne pendant plusieurs mois, le temps que le deuil se fasse.

Comme dans tout changement, je sais ce que je quitte mais je ne sais pas ce qui m’attend. Je me demande en effet quelles surprises l’avenir réserve à un scribouillard bohême comme moi dans un pays où le président parle en ces termes de mes camarades journaleux : « Les journalistes, ce sont des nullards, il faut leur cracher à la gueule, il faut leur marcher dessus, les écraser. Ce sont des bandits. Et encore, les bandits eux, ont une morale. » Nico, ta poésie illumine ma journée, toujours la grande classe. La liberté d’expression est-elle menacée d’extinction dans le pays des droits de l’homme ? Aurons-nous bientôt comme seule source d’information que le journal de Jean-Pierre Pernaut qui passera en boucle ? Non pas ça, plutôt le goulag ! Courage fuyons ! Mais pour aller où ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire