dimanche 19 avril 2009

Consommation durable ?















Avec la crise, l'hyperconsommation s'est réduite comme peau de chagrin. Qui peut encore se permettre d’acheter sans regarder les prix ? De nos jours, tout se calcule, compare, mesure, pèse, sous-pèse, avant le passage à l’acte, désormais conscient et réfléchi.

L’un de mes amis que je rebaptiserai Pépé est passé maître dans l’art du marchandage. Sa devise est depuis toujours : « Il n’ya pas de petites économies. » et, en ces temps difficiles, son style approche de l’excellence. De passage dans ma ville natale, je l’ai accompagné dans une séance de shopping et ai pu observer l’artiste à l’œuvre, muette d’admiration et… d’effroi. En moins d’une heure, il a renouvelé son service de vaisselle grâce à des bons de réduction, dévalisé la réserve d’échantillons gratuits d’un grand magasin sans rien acheter, fait le plein de viande en promotion en payant avec des tickets restaurants, menacé un commerçant qui avait refusé une ristourne de 8 euros à sa mère etc.

Il faut dire que les chiffres, Pépé est tombé dedans quand il était petit. Porté par sa passion, il est devenu banquier, ne rate jamais son émission préférée, Combien ça coûte, et le soir il s’endort avec bonheur en songeant aux économies réalisées et à venir, tout en fredonnant le célèbre tube d’Abba : « Money, money, money, it’s a different world…». Pépé reconnaît que son comportement est un peu obsessionnel mais c’est ce qui fait sa spécificité et son charme. La photo de ce serial négociateur est placardée dans toutes les boutiques de la ville et il est interdit de séjour dans le magasin de mon père qui, après 50 ans de dur labeur, mérite de couler des jours paisibles.

J’ai suggéré à Pépé de coacher des « blondes comme moi » car, bien qu’ayant surmonté notre tendance naturelle aux achats compulsifs, nous n’en restons pas moins des victimes faciles pour des commerçants peu scrupuleux. Je me revois encore sortant du grand souk de Marrakech les bras chargés d’objets inutiles qui allaient me couter le prix fort en supplément bagages ou au bord de la crise de nerfs, en rade sur une petite route folle dominicaine, en train de supplier un garagiste louche de me porter secours. Chacun fait son beurre comme il peut dans cet univers impitoyable.

A l’inverse, certains affichent une forme de solidarité. On voit en effet fleurir des pancartes qui proposent des « menus anticrise » ou des « tarifs de crise ». S’agit-il véritablement de prix cassés ou de basses stratégies de marketing direct pour attirer le chaland ? La terminologie est de toute façon mal choisie car nous en avons assez de faire cheap et ces constants rappels de notre douloureuse réalité nous agacent plus qu’autre chose. Avis aux annonceurs : creusez-vous les méninges et privilégiez des tournures plus alléchantes comme équitable, populaire etc.

Dans un registre plus glamour, Londres, qui dicte toujours les nouvelles tendances, a remis à la mode la pratique du troc. Les soirées « swap » ou « vide dressing » font maintenant un tabac un peu partout. Le principe est simple et convivial : on donne ou échange des fringues, chaussures et accessoires à travers un réseau d’amateurs de mode. On fait ainsi du neuf avec du vieux, gaspille moins et recycle. C’est dans l’air du temps et en accord avec les exigences du développement durable. Malheureusement une mordue de shopping comme moi a du mal à lâcher un jean diesel contre un tee-shirt distendu de chez H&M, Made in India par un enfant de 5 ans payé symboliquement 1 euro par mois. Il ya des limites à l’entraide et à la solidarité. Contaminée par Pépé, je vois surtout dans ces rencontres un moyen de renouveler ma garde-robe sans me ruiner. Je n’ai pas trop de scrupules car sans la baisse du pouvoir d’achat tous ces enfants gâtées de la société de consommation n’auraient connu comme grande messe de rassemblement que les soldes, où ils se seraient entre-tués pour un bout de chiffon. Je vais d’ailleurs proposer à Pépé de faire le plein de vieilles fripes pourries et, telles les vamps avec nos caddies pleins à craquer, nous irons les troquer contre du Gucci, Prada… Pour gagner en crédibilité, nous pourrons même mettre des fausses étiquettes. « Si, si, c’est du Dior, collection automne-hiver 2004 », mentirons-nous, en prenant notre air le plus innocent. Pépé salive déjà mais il y a un hic, ces soirées sont en général réservées aux filles. Cela m’a donné l’idée de lancer des rencontres mixtes mais attention on échangera des vêtements et uniquement des vêtements. A bientôt pour le premier rendez-vous « troc dating» où vous serez tous conviés.

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