samedi 11 avril 2009

Joyeuses Pâques














L’Espagne est l’un des pays européens parmi les plus sévèrement touchés par la crise économique mondiale et le taux de chômage pourrait atteindre 20% d’ici la fin de l’année. En réaction à la morosité générale, des articles proposant des alternatives pour ne plus subir le problème mais lui faire face se multiplient. On nous incite par exemple à changer de métier et à nous recentrer sur des choses qui nous tiennent vraiment à cœur. C’est un peu ce que je suis en train de vivre à travers cette incursion de quelques semaines dans l’enseignement catholique, avec quelques réserves tout de même. En ces temps qui boitillent, l’Eglise est un secteur qui embauche. Avis aux candidats !

Immergée dans ce nouvel univers, je reste tout de même sur mes gardes, attentive aux signes de fanatisme religieux ostensibles mais tout semble dangereusement normal. Il y a évidemment les inévitables portraits de Jésus et autres divinités moins starisées, des affiches appelant à manifester contre l’avortement, la chronique matinale de la « voix de Dieu » mais les adolescents ont le droit de se vêtir comme leurs homologues du « monde libre » et je n’ai encore croisé personne en soutane. L’endoctrinement se fait de manière plus subtile. Au détour d’un couloir, je tombe sur une affiche dont le titre m’interpelle car c’est la traduction en espagnol du célèbre film interprété par James Dean, La Fureur de Vivre. La référence est évidente car on voit un jeune homme chevelu tenant négligemment une guitare. Il semble en pleine déroute, comme le souligne le slogan principal « Tu es perdu ? ». Il faut s’approcher pour lire ce qui est écrit en bas et en tout petit. Une solution à son mal être lui est suggérée : « DEVIENT JESUITE ! », avec l’adresse d’une page web pleine de promesses : http://www.jesuitas.es/. Ils sont forts en com ces cathos !

Par curiosité, j’ai visité le site. J’ai pu constater une nouvelle fois les efforts faits au niveau de la promotion de l’image : ergonomie claire et soignée, couleurs vives, multiples photos de fêtes et de voyages, rubrique carrière avec des témoignages enthousiastes de disciples de Jésus. On trouve même une section FAQ qui stipule, entre autres, que les candidatures féminines ne sont pas acceptées. Zut alors, c’est toujours la même chose, les chouettes boulots sont toujours réservés aux hommes... Poursuivant la lecture de la rubrique, j’en ai appris d’avantage sur les conditions maritales et matérielles. Le rédacteur essaie de noyer le poisson mais deux mots clés finissent par s’imposer : « CELIBAT et PAUVRETE ». Tout de suite, la perspective « d’entrer dans les ordres » est moins séduisante, voire carrément inconcevable.

Je pourrais d’ailleurs interroger les confesseurs de la basilique Pilar sur leurs avantages, primes, RTT etc. Cela ferait un papier terrible qui aurait comme chapô : « Petites confidences d’un confesseur. Il a tout entendu, il vous dit tout. » Avant de vivre à Saragosse, je pensais que cette fonction d’ « Oreille de Dieu » n’existait que dans les vieux films italiens. Pourtant ces hommes sont bien réels, enfermés dans leur petite guitoune sinistre. Les non initiés aux us et coutumes catholiques comme moi hésitent à leur demander le chemin des toilettes ou de la banque la plus proche, en anglais bien sûr. Dieu est un concept international après tout. Pardon Seigneur j’ai péché !

Le quotidien El Pais révélait cette semaine un autre coup de maître de l’Eglise espagnole, en matière de recrutement. La Semana Santa bat son plein en ce moment et avec elle le défilé presque ininterrompu des processions. Or il y a un an, la ville de Melilla en Andalousie a frôlé le drame. Faute d’un nombre suffisant de porteurs, la Vierge Maria Santisima a failli rater sa grande sortie. Les organisateurs ont été plus prévoyants cette année en enrôlant 34 sans papiers, arrivés illégalement en Espagne et résidant dans un centre de rétention. Ils avaient également pensé faire appel à des Machu Picchu au chômage mais leur taille moyenne ne dépassant pas 1m50 les bras levés, la Vierge aurait fait un parcours en rase-motte, indigne de sa sainteté.

Les pays d’origine de ces clandestins ne laissent point de doute sur leur ferveur catholique : Inde, Maroc, Pakistan… Le maire de Melilla a déclaré que Dieu était le même pour tous et salué l’effort d’intégration de ces « volontaires ». Il semble que l’Eglise remette au goût du jour l’évangélisation forcée. Dans leur rêve d’Europe, ces catholiques tout neufs dont la connaissance de l’espagnol doit se résumer à « Si Señor » pouvaient-ils imaginer que leur premier job serait figurant dans un bal masqué organisé par le Ku Klux Klan ? Joyeuses Pâques.

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