lundi 28 août 2017

Joyeuse Saint Patrick !


L’historique Bernaeur  Strasse qui a longtemps formé une frontière  infranchissable entre Berlin Est et Berlin Ouest vient d’être rebaptisée Patrick Avenue. L’information est encore confidentielle et seules quelques personnes connaissent la genèse de ce changement de nom et surtout l’identité du fameux Patrick. 

Patrick est un jeune berlinois qui par un beau matin d’été fonçait à vélo sans crier gare et a heurté de plein fouet  un véhicule malencontreusement placé sur sa route. L’accident s’est produit sous mes yeux alors je que tentais de dompter depuis quelques minutes une bicyclette de location. Je n’oublierai jamais le choc assourdissant du crâne sur le sol et le cri de rage poussé par la victime, et surtout le sang qui giclait partout. La scène formait une campagne de prévention coup de poing en faveur du port du casque.

Malgré l’état pitoyable de Patrick qui appelait à la compassion, c’était clairement  lui le responsable. Interrogée par la police en ma qualité de témoin clé, je fus formelle. Il est arrivé à un carrefour, n’a pas marqué le stop et a continué à toute vitesse comme s’il n’y avait rien, pas de pancarte, pas d’interdiction. La voiture qui arrivait sur sa gauche circulait normalement et n’a pas pu l’éviter. Je souhaitais surtout blanchir le malheureux chauffeur dont le teint basané et l’accent d’un pays du Sud indéterminé témoignaient d’une arrivée récente en Allemagne et étaient susceptibles d’accélérer une reconduite musclée à la frontière. Le chauffard n’était pas celui que l’on croyait.

Aux dernières nouvelles Patrick est tiré d’affaire et gardera juste une petite cicatrice. Cette trace  indélébile pourrait même doper sa virilité et renforcer son potentiel de séduction. Le bitume est également marqué pour toujours d’une tâche rouge synonyme des combats de notre époque qui ne se jouent plus autour de l’affrontement  entre deux blocs mais dans la frénésie  de la jungle urbaine.  Patrick en tant que survivant de l’enfer de la circulation est devenu une sorte d’icône.

Cette aventure désagréable a fortement remis en question la vision idéale que j’avais du mode de vie des allemands et surtout mon soutien indéfectible à la cause cycliste internationale.

Le vélo est mon mode de locomotion privilégié mais, dans les rues de Toulouse, cela s’apparente souvent à un stage de survie. L’homme est un loup pour l’homme et il faut en permanence se frayer un chemin dans les voies mal aménagées et résister aux  incivilités récurrentes. Je rêve d’une cité débarrassée des embouteillages et du stress, où les relations seraient enfin apaisées entre automobilistes, cyclistes et piétons. J’avais ainsi hâte de découvrir les villes allemandes, supposées être précurseuses  en matière de modes de transport sains et durables.

Berlin baigne certes dans une heureuse coolitude comme si le Summer of Love des années 60 n’avait jamais pris fin. Tout est amour, farniente et fête sauf sur les pistes cyclables, derniers espaces d’agressivité et de défoulement. La meute de cyclistes lancés tels des gladiateurs dans une folle course à la mort ne recule devant aucun obstacle. Malheur aux touristes étourdis qui n’auront pas bien compris la signification du marquage au sol, ils seront dégommés sur le champ. 500 points pour le vélo ! Dans les deux camps, beaucoup ont rejoint les étoiles. Patrick a définitivement eu beaucoup de chance.

Le respect de l’environnement et la gestion impeccable des déchets restent aussi une utopie. Partout dans les parcs, les poubelles débordent et les pelouses sont jonchées de mégots. Les berlinois fument comme des pompiers et parfois même dans les lieux publics, profitant d’une permissivité devenue inédite dans nos capitales européennes. Ex-fumeurs repentis, fuyez car vous pourriez bien être gagnés par une furieuse envie de remettre le couvert ou du moins de renifler les volutes avec nostalgie, sans craindre les dommages collatéraux provoqués par le tabagisme passif. Et si l’avenir était justement de se détourner du tout droit, du tout propre et du tout vert ? Je contacte vite Patrick pour qu’il se positionne et donne la tendance à ses followers toujours plus nombreux. Namasté !


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