mardi 8 mars 2011

Même la pluie
















“Tambien la lluvia” sous son titre original. J’ai adoré ce film d’Icíar Bollaín qui nous livre une évocation subtile de la fracture Nord-Sud. Un jeune réalisateur espagnol, Sebastian, se rend en Bolivie pour tourner une fresque sur la servitude des Indiens et leur résistance aux colons espagnols du XVIe siècle. Les budgets sont serrés et le producteur, Costa, se félicite de pouvoir employer des comédiens et des figurants locaux à moindre coût. Sauf que la situation politique sur place se dégrade. L'augmentation de l'eau pousse la population à la révolte. Des tensions éclatent, menaçant la sécurité du tournage. Costa et Sebastian se trouvent malgré eux emportés dans cette lutte pour la survie d'un peuple démuni. L'injustice est au coeur du réquisitoire qu’ils sont en train de tourner. Et voilà qu'elle refait surface, sous leurs yeux, comme si l'histoire se répétait, cinq siècles plus tard. Costa et Sebastian vont-ils rester fidèles à leurs idéaux et défendre la population opprimée ? Les yeux de braise des deux acteurs nous font leur pardonner d’avance leur possible manque d’intégrité. Guapos !

J’ai eu aujourd’hui un sursaut de conscience humanitaire pour poursuivre sur la problématique cruciale de l’accès à l’eau, mais dans un contexte quelque peu différent. J’étais tout à l’heure à l’aéroport d’Orly, revenant de la ruche où j’ai été adoubée dame abeille par celle que je ne présente plus, Queen Bee, ma responsable hiérarchique, en récompense pour mes bons et loyaux services. Un aller retour en avion avec taxi à l’arrivée pour assister à une réunion de deux heures à la portée stratégique douteuse : j’apporte involontairement ma modeste contribution au réchauffement climatique. Auréolée de mon succès tout neuf, je me prêtais pour une fois sans rechigner à l’effeuillage de l’embarquement. Peu m’importaient mes chaussettes dépareillées ou mon pantalon qui glissait dangereusement mais je me suis insurgée contre l’employée au discours et aux gestes mécaniques lorsqu’elle m’a invitée à jeter ma bouteille d’eau aux trois quarts pleine. Je lui ai signifié que cela représentait un gaspillage indécent et que dans certains pays des femmes et des enfants parcouraient des dizaines kilomètres chaque jour pour aller chercher ce liquide précieux. Je poursuivais en lui expliquant que l’eau n’était pas quelque chose d’acquis mais restait le plus grand combat de l’humanité. Peu sensible à mes envolées militantes, mon interlocutrice m’a lancé un regard de têtard mort et a poussé mes affaires sur le tapis roulant.

J’étais retournée pour quelques instants dans la peau de Miss Développement Durable, comme lors de cette fameuse exposition internationale sur l’eau où j’avais pour mission de répandre la bonne parole et interpeller les visiteurs sur ces sujets sensibles. J’avais pris mon rôle très à cœur mais très vite, j’ai compris qu’elle consistait surtout à veiller à l’approvisionnement régulier des coupes de champagne de diplomates et d’hommes d’affaires bedonnants. Les ressources en eau de la planète ne sont peut être pas inépuisables mais c’était loin d’être le cas de la cave du Pavillon de la France. Bonne vivante reconnue, je suis la première à défendre ce genre de petits plaisirs mais il ya un temps pour tout et le triomphe des intérêts personnels et mercantiles au détriment d’enjeux fondamentaux auxquels l’évènement était dédié m’avait profondément dérangée à l’époque. Mon engagement pour la planète a pris fin à ce moment là mais il ne demande qu’à renaître. A l'aube de la nouvelle année, j’ai d’ailleurs eu l’idée de créer un parti. Il prônerait la lutte contre la soif. De l’eau et du vin pour tous, en pleine égalité et sans discrimination ni restriction ! Les camarades présents ont été enthousiasmés par le projet et m’ont promis leur soutien inflexible. No pasaran !

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