mardi 29 décembre 2009

Reine des neiges

Mon pays c’est l’hiver… Pied de nez aux débats actuels sur le réchauffement climatique, un tapis scintillant de poudre blanche a recouvert la France pendant quelques heures, ajoutant une couche supplémentaire de perturbations au chaos ambiant. L’alerte avait à peine été lancée que les chaînes de télévision nous abreuvaient déjà d’images de désolation générale : camions renversés, orphelins errants, magasins dévalisés, animaux affamés… Deux centimètres de neige ont réussi à paralyser l’économie de tout un pays et à réveiller des peurs séculaires.


Beaucoup ont ainsi profité du déchaînement imprévu des éléments naturels pour rester calfeutrés chez eux ou faire l’école buissonnière, en toute impunité. C’est curieux dans ce genre de situation le nombre de personnes qui habitent soudain dans un coin perdu de campagne, accessible uniquement par un chemin tortueux rendu totalement impraticable.

Au détour d’une rue du centre ville, j’aperçois, en pleine séance de shopping de Noël, l’une des personnes avec qui j’aurais du avoir une réunion au même moment. Ce monsieur m’avait laissé un message pour annuler notre rendez-vous invoquant une histoire abracadabrante de maison isolée attaquée par des loups et l’impossibilité de toute tentative de sortie. Ce manque de témérité m’avait profondément agacée car j’avais été confrontée autrefois au froid extrême, condamnée à traverser les plaines glacées du Québec pour rejoindre coûte que coûte la forteresse où m’attendait ma responsable de service, une terrible ogresse qui ne pardonnait aucun retard. J’avais aussitôt rappelé l’homme en question lui proposant de venir à sa rescousse si l’assaut durait plusieurs jours. Pour rester dans l’univers des contes et légendes, je lui avait dit que je serais tout de rouge vêtue, porterais un petit panier et fredonnerais : « Promenons-nous dans les bois… ». A son tour, le fiel affabulateur me voit. J’agite un mouchoir rouge lui signifiant que je ne suis pas dupe de sa supercherie. Nous échangeons alors un long regard qui scelle une convention tacite : je ne dirai rien et il me sera éternellement redevable, satisfaisant toutes mes demandes.

Cet or blanc rare et précieux a aussi un effet euphorisant sur les foules. Gagnée par l’ivresse collective, je tourne, virevolte, étrennant avec un peu d’avance et pour ma plus grande joie toque et mitaines en fourrure, achetées spécialement pour affronter avec élégance et glamour, la rudesse de l’hiver berlinois. Qui a dit que j’avais épousé la cause écologique ? Des femmes d’un certain âge admirent de loin ma mise soignée. Le titre de cette chronique est d’ailleurs mal choisi car il fait référence à une créature machiavélique et froide. Je me verrais plutôt dans la peau d’une russe blanche qui, dépossédée de ses titres, a décidé de rejoindre la cause du peuple et ainsi atteint l’unique et vraie noblesse : celle du cœur.

Dans le rôle de la citoyenne « grande » bienfaitrice, la première dame du pays, l’incontournable Carla B, est parfaite ou presque. Dans une récente interview, elle a évoqué l’amitié qu’elle entretient depuis plusieurs années avec un vagabond. Avec lui, elle affirme parler littérature et il lui aurait enseigné, entre autre chose, le libre arbitre. Je regarde autour de moi les trop nombreuses silhouettes anonymes qui vivent sur les trottoirs et grelottent dans leurs abris de fortune et je comprends mieux pourquoi on a décapité des têtes couronnées décadentes à une certaine époque. Où est la pudeur, où est la décence ?

Je ne vaux peut être pas mieux car, rattrapée par la tentation du confort bourgeois, j’ai mis un peu de côté mes velléités d’actions solidaires. Pire, j’ai bien failli rejoindre les rangs d’une ONG dédiée à la lutte contre la faim, en ayant pour principale motivation l’idée d’un « rapprochement » professionnel avec l’un des French Doctors en charge de la coordination. Pardon Camarades. L’année 2010 sera fraternelle et désintéressée ou ne sera pas. No pasaran !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire