jeudi 4 juin 2009

I have a dream


















Elections obligent, l’Europe est sur toutes les lèvres ou presque. A défaut de pouvoir nous traîner aux urnes par les cheveux, les états concernés essaient de réveiller, à grand renfort médiatique, l’euro-citoyen qui sommeille en chacun de nous, en vain. Réaction mollassonne des publics concernés pour lesquels, cette « société des nations » nouvelle génération reste une organisation trop abstraite et bureaucratique. Et puis c’est quoi l’Europe pour nous, sinon un bailleur de fond aux ressources apparemment inépuisables qui sponsorisent des séjours de vacances Erasmus ou financent la construction de « moulins à vent » en Castille ?

Je fais partie de ces doux rêveurs qui aspirent à une Europe sociale et solidaire où tous les pays se prendraient par la main pour s’élancer dans une farandole endiablée, multicolore et pluriculturelle. « Free hugs » pour tous et mélangez-vous pour ne faire plus qu’un ! Je sais, il est temps de se réveiller et de dire adieux au monde merveilleux des Bisounours. Comment on s’embrasserait d’ailleurs : en se faisant 2, 3 ou 4 bises comme chez nous, à l’anglaise par une virile accolade, à pleine bouche de manière vorace suivant la technique des latins lovers italiens ou bien par un frôlement chaste et presque imperceptible venu des plaines glacées du Nord de l’Europe ? La question épineuse du baiser n’est qu’un exemple parmi des milliers d’autres destiné à souligner la complexité de cette alliance et l’ampleur du chantier.

Pourtant l’Europe, cette vieille dame très digne qui s’est relevée de tant de tragédies, est quelque part notre grand-mère à tous qui nous manque terriblement lorsque nous nous éloignons d’elle pour partir à la conquête de lointaines Amériques. Nous, européens, partageons un passé commun, une histoire collective plus jalonnée de querelles incessantes que de moments de paix. Petite histoire dans la grande Histoire, mon ultime expérience de collocation avec une allemande, Claudia, a constitué une étape déterminante dans le processus de réconciliation franco-allemand, le tout en Espagne.

Amies d’aujourd’hui, ennemies d’hier, nous avons su établir une cohabitation sereine basée sur la confiance et le dialogue. Pourtant il est arrivé que, confrontées à la médiocrité de la télévision espagnole et grâce au miracle des nouvelles technologies, nous savourions des instants de pure non communication, chacune avec casque Audio et ordinateur portable, à visionner nos programmes favoris, culturellement caractéristiques de nos origines respectives et impossibles à interchanger : Germany next's top model pour elle et Clara Sheller pour moi. Claudia aimait souligner qu’elle avait téléchargé légalement l’émission en podcast, en guettant ma réaction comme si elle me soupçonnait d’avoir rompu notre pacte de non agression. En effet, j’avais promis d’arrêter les téléchargements pirates, sous peine de terribles représailles. Claudia m’avait raconté que de nombreuses personnes avaient été arrêtées de manière arbitraire dans son pays et qu’on ne les avait plus jamais revues. Je n’étais certes pas restée indifférente à ces histoires dignes de la période la plus noire de la dictature de Pinochet mais j’aime vivre dangereusement… La rigueur germanique confrontée à la désobéissance civile typiquement française. Pardon Claudia, j’avoue je n’ai pas dit toute la vérité et rien que la vérité, mais je décline toute responsabilité quant à la chute malencontreuse de la barre de fer par la fenêtre qui a bien failli tuer la vieille peau du rez-de-chaussée.

A l’occasion de cette « aventure européenne », j’ai également pu constater à mes dépends l’inexactitude du mythe de la libre circulation des travailleurs. Dans une ambiance très kafkaïenne, j’ai passé mes premières semaines en Espagne à être ballotée d’une administration à une autre, toujours en quête d’un nouveau formulaire destiné à « régulariser » ma situation, pour finalement atterrir dans le sous-sol d’un commissariat sinistre, perdue au milieu d’une foule d’anonymes avec l’envie de hurler : « Je ne suis pas un numéro, je suis un être humain. ». Soudain l’espoir est revenu sous la forme d’un vague écriteau sur une porte indiquant : « Pour les européens, c’est ici que ça se passe ». Les candidats étaient divisés en deux catégories et j’ai abandonné à leur triste sort mes camarades d’infortune, non labellisés, et pour lesquels l’attente promettait d’être interminable. J’ai alors pénétré dans une pièce aveugle où était assis un petit bonhomme déprimant et déprimé, sorte de Woody Allen mais sans la lueur perverse dans le regard. Ses parents devaient le battre quand il était enfant. J’avais presque envie de le prendre dans mes bras pour lui dire que tout irait bien désormais mais je me suis vite ravisée, agacée par son zèle de fonctionnaire de la Stasi. Il ne comprenait pas pourquoi je n’avais pas deux noms de famille, ni dix prénoms de baptême comme tout bon espagnol et puis il n’a pas été sensible à mon humour lorsque j’ai dit que je demandais l’asile politique suite à la prise du pouvoir par l’Empereur Nicolas Ier, en France. Il faut dire que tout ce qui peut rappeler de près ou de loin l’époque de Napoléon est un sujet très sensible encore de nos jours en Espagne. Nos chers voisins ont la rancune tenace et nous en veulent encore pour cette intrusion momentanée sur leur territoire. Tous à vos manuels d’histoire ! Woody a finalement tamponné, en y mettant beaucoup de mauvaise volonté, mon passeport pour la liberté. Heureusement que j’ai eu droit à un accueil VIP.

La route de la construction européenne est longue et semée d’embûches. L’avenir de l’Union semble bien incertain. Il nous faudrait un homme providentiel, une figure emblématique fédératrice, notre Obama à nous. Mais j’y pense, bien sûr ! – – K – M (prénom masculin en cinq lettres) Président ! Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite…

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